Après la publication d'une liste provisoire de six candidats, validée par le conseil constitutionnel jeudi dernier, la Mauritanie se rapproche désormais à grands pas du scrutin présidentiel, prévu le 22 juin 2019.
Toutefois, le contexte politique paraît passablement tendu, perceptible à travers les discours tenus par l’opposition, en dépit de la volonté proclamée des autorités et de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), d’assurer les conditions d’un vote «libre, démocratique, transparent et crédible».
Parmi les arguments et derniers signaux en faveur d’un vote en toute transparence, le gouvernement cite sa décision d’organiser le suffrage le même jour pour les civils et les militaires, en réponse à une ancienne revendication de l’opposition.
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Dans le même temps, le président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Mohamed Vall ould Bellal, affirme la détermination de l’institution qu'il dirige de jouer son rôle d’arbitre à part entière, ce qui explique le fait que la CENI n'est plus très appréciée des partis formant l'actuelle majorité au pouvoir.
Toutefois, la CENI est en ce moment même également vilipendée par les discours que tiennent les membres de l’opposition.
Ceux-ci restent d'ailleurs encore absents du Comité Directeur de l’institution, en dépit de négociations engagées depuis quelques mois.
Par ailleurs, dans la perspective d’une élection présidentielle transparente, l’Union Européenne (UE) par l'entremise de son ambassadeur à Nouakchott, Giacomo Durazzo, annonce l’envoi «d’une mission d’experts pour suivre et observer cette importante opération, qui marquera (...) l’histoire du pays grâce à une transmission du pouvoir dans le strict respect des dispositions constitutionnelles».
Opposition en colère
Cependant, ces différentes «garanties» ne rassurent pas les membres de l'opposition, qui font montre d'une réelle tension, à un peu plus d'un mois de ce scrutin.
Ainsi, Salah ould Hanana, président du Parti pour l’Unité (HATEM), qui soutient la candidature indépendante de Sidi Mohamed ould Boubacar, ancien Premier ministre, dénonce le fait que « les partis de l’opposition ont exprimé au gouvernement leur position au sujet du caractère illégal de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) depuis le 7 février 2019. Les autorités ont par la suite fait semblant d’engager une série de négociations (une vingtaine) qui relevaient en réalité de simples manœuvres dilatoires. Ainsi, le pays file tout droit vers un contentieux électorale et une grave impasse politique».
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Le Pr Lô Gourmo, vice-président de l’Union des Forces de Progrès (UFP), et proche du candidat de la Coalition des Forces pour un Changement Démocratique (CFCD) "Changeons d’Ere", Mohamed ould Maouloud, tient un discours identique et décrit un scénario de succession sur lequel le pouvoir aurait jeté son dévolu.
«Le président sortant, Mohamed ould Abdel Aziz, est dans son plan B: gouverner en coulisses, en réduisant la prochaine élection présidentielle en un simple exercice de passation de service. Au cœur de cette stratégie de contrôle absolu du processus électoral en amont (fichier et listes électoraux toxiques) et en aval (agents de services électoraux dans le pays sous le label d’une CENI caporalisée pour l’essentiel)».
Le constat ainsi établi explique «l’acharnement du pouvoir à refuser de se conformer à sa propre légalité» au sujet de la composition de la CENI «quitte à ouvrir la voie à une véritable crise électorale à laquelle l’opposition démocratique, dans toutes ses composantes, doit se préparer sérieusement», indique lucidement le Pr Lô Gourmo.