Mauritanie. Tensions post-présidentielle: pas de second tour avec les militaires

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Le 25/06/2019 à 16h09, mis à jour le 25/06/2019 à 16h26

La victoire de Mohamed ould Ghazouani est toujours vivement contestée par l'opposition. La tension reste perceptible dans la capitale, notamment dans les quartiers jugés comme étant les bastions de l'opposition et qui sont quadrillés par la police, la garde, la gendarmerie et l'armée.

La Mauritanie vit depuis dimanche une semaine de tous les dangers, voire un moment de grande peur, après la proclamation des résultats du scrutin présidentiel du samedi 22 juin 2019 par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Les chiffres communiqués dimanche par cette institution annoncent une victoire au premier tour du candidat du pouvoir et de l'armée, Mohamed Cheikh Ahmed Mohamed Ghazouani, avec 52,01% des suffrages.

Le nouvel élu est un général à la retraite, ancien chef d’état-major des armées, ex-ministre de la Défense durant moins de 5 mois, et ami intime du chef de l’Etat sortant, Mohamed ould Abdel Aziz, dont la candidature est rendue impossible par les dispositions constitutionnelles.

Près de 48 heures après la communication des chiffres du scrutin par la CENI, organe dont l’opposition rejette déjà la composition pro-pouvoir, la tension reste vive sur le terrain, avec le déploiement des compagnies de police à plusieurs endroits de Nouakchott.

Ainsi, la nuit du lundi au mardi a été marquée par des incidents impliquant les forces de l’ordre et les militants de la Coalition vivre ensemble (CVE) soutenant la candidature de Kane Hamidou Baba. De nombreuses interpellations de cadres militants sont également signalées.

Le candidat Kane accuse la police «d’avoir envahi les locaux de la permanence de son camp, saccagé le matériel informatique et les meubles».

Au même moment, le candidat Biram Dah Abeid dénonce «le siège des quartiers habités par les populations noires», envahis par les forces de sécurité.

Des rumeurs, rapidement démenties, ont même annoncé l’arrestation de ces 2 candidats qui sont parmi les plus engagés dans cette contestation des résultats de la présidentielle.

Les 4 candidats de l’opposition, Sidi Mohamed ould Boubacar (indépendant-ancien Premier ministre), Mohamed ould Maouloud (Coalition des forces pour un changement démocratique-CFCD), Biram Dah Abeid (leader antiesclavagiste) et Kane Hamidou Baba (CVE) ont annoncé leur détermination «à contester les résultats du scrutin par tous les moyens légaux» et appellent à un rassemblement devant le siège de la commission électorale jeudi prochain.

Désireux d’envoyer le signal d’une solidarité indéfectible, ces quatre (4) candidats ont aussi visité le siège de la Coalition vivre ensemble (CVE) après sa mise à sac par la police dans la soirée du lundi.

Pour comprendre la victoire contestée de Mohamed ould Ghazouani, il est nécessaire de jeter un regard sur le rétroviseur de l’histoire politique récente de la Mauritanie, depuis qu'elle a adopté la démocratie pluraliste (après le discours de la Baule de François Mitterrand en mai 1990).

Ainsi, le site d’informations en ligne «Rmibiladi» rappelle que «depuis 1992, la Mauritanie a connu six (6) scrutins présidentiels. Un seul s’est conclu à l’issue d’un second tour qui a opposé Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi et Ahmed ould Daddah, deux (2) civils.

Pour chacun des 5 autres scrutins électoraux, il y a eu un militaire, comme candidat à la magistrature suprême (le colonel ould Taya en 1992, 1997 et 2003), le général Mohamed ould Abdel Aziz en 2009 et 2014. Et à chaque fois, invariablement, il fût élu dès le premier tour».

Un rappel dont l’objectif est de montrer que la pratique démocratique en Mauritanie est prise en otage par les militaires, devenus des «maquignons électoraux».

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 25/06/2019 à 16h09, mis à jour le 25/06/2019 à 16h26