S’exprimant a l’occasion d’une sortie médiatique organisée au cours de la nuit du jeudi au vendredi, dans son domicile de Nouakchott, suite au refus des hôteliers de la place d’abriter la manifestation, Mohamed ould Abdel Aziz, entouré par quelques fidèles qui n’ont pas encore déserté son camp, a confirmé «les profondes divergences» entre lui et son successeur au sujet de l’orientation et de la référence de l’Union Pour la République (UPR), principal parti de la majorité. Une formation qui dispose de plus de 100 députés sur les 150 élus à l’Assemblée nationale.
Pours a première sortie médiatique depuis le 1er août 2019, date de la transmission du pouvoir à son successeur, Mohamed ould Cheikh El Ghazouani, l’ancien président mauritanien avait à ses côtés Seyidna Ali ould Mohamed Khouna, membre du Comité provisoire chargé de la gestion de l’UPR, ancien ministre, et Bodiel ould Houmeid, membre du même comité et également ex-ministre sous le régime de Maaouya ould Sid’Ahmed Taya.
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A titre de rappel, Mohamed ould Abdel Aziz est rentré en Mauritanie le 16 novembre dernier après plusieurs mois passés à l’étranger.
L’ancien chef de l’Etat rejette la prétention de son successeur «à servir de référence» à l’Union Pour la République (UPR).
Ce parti, créé sous son inspiration après le coup d’Etat du 6 août 2008, a annoncé la tenue d’un congrès extraordinaire les 28 et 29 décembre.
Largement minoritaires, les fidèles de l’ancien président devraient être «politiquement éliminés» des instances de direction de l’UPR à la faveur de ce conclave, selon l’avis de nombreux analystes.
Aziz estime que l’entêtement de son successeur à servir de référence à l’UPR constitue «une démarche en violation de la constitution, qui interdit au président de la République de diriger un parti politique. Je ne serais plus candidat à un poste électif. Cependant, je reste en politique à travers l’UPR, car je suis rentré au pays pour sauver la démocratie», a-t-il martelé.
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Revenant sur sa gouvernance pendant plus de 10 ans, à la lumière de plusieurs allégations relatives à des faits de mauvaise gestion et de gabegie, découverts par la Cour des comptes suite à des investigations récentes, et des audits en cours dans tous les départements ministériels, Mohamed ould Abdel Aziz a déclaré n’avoir jamais donné d’ordres illégaux aux responsables qui ont eu à gérer les biens publics sous son règne.
Pour rappel, au début de son magistère, Mohamed ould Abdel Aziz avait affirmé que toute la gestion des affaires du pays se déroulait sous son contrôle personnel, dans un entretien avec l’hebdomadaire panafricain «Jeune Afrique».
Ses détracteurs affirment «qu’il avait le système RACHAD -autorisant tout paiement du Trésor- dans son bureau, et aucune ouguiya ne pouvait décaissée sans son autorisation».
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Fin novembre à la surprise générale, l’ancien président a boycotté la cérémonie marquant la célébration du 59e anniversaire de l’indépendance nationale, organisée dans la localité d’Akjoujt, capitale de sa région d’origine présumée. Le même jour, on a appris le limogeage du commandant en chef du Bataillon de sécurité présidentielle (BASEP) et de son adjoint.
Cette unité est considérée comme «fidèle» à Ould Abdel Aziz, qui en était le chef au moment de son premier coup d'Etat de 2005, contre Ould Taya.
La sortie médiatique du jeudi soir est elle le signal d’une opposition frontale et sans concession au nouveau régime? Ou simplement un baroud d’honneur? L’ultime épisode d’un feuilleton sous forme de bras de fer, dont Mohamed ould Abdel Aziz apparaît comme le grand perdant, après l’illusion d’une stratégie suivant laquelle il céderait un pouvoir formel à son ami, tout en demeurant le véritable maître du jeu? L’ancien président restera–t-il sur place, ou prendra-t-il le chemin de l’étranger, avec l’accord des nouvelles autorités?