Les conclusions de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) n° 01/2020, créée en janvier dernier au sein de l’Assemblée nationale de Mauritanie, pour fouiller dans une décennie de gouvernance de Mohamed ould Abdel Aziz (2008/2019), seront-elles validées en plénière, ou jetées aux oubliettes par une haute administration qui favorise l’impunité depuis plusieurs décennies?
Face à cette interrogation lancinante, les Mauritaniens retiennent leur souffle, alors que l’opinion internationale suit avec intérêt la suite du feuilleton politique qui se déroule au pays du million de poètes.
Une seule certitude pour le moment: le rapport établi par la Commission d’enquête parlementaire (CEP) sera présenté aux députés à l’occasion d’une séance plénière dont la tenue est comprimée par la loi au plus tard à la date du 31 juillet.
Lire aussi : Vidéo. Mauritanie: après les critiques, une plénière sur la Haute Cour de justice reprogrammée
Les députés ont mené des investigations sur plusieurs affaires: «attribution de marchés pour l’énergie, réalisation d’infrastructures, gestion et liquidation d’entreprises publiques, contrat dans le domaine de la pêche, gestion du foncier à Nouakchott (notamment vente de terrains abritant des écoles publiques, et une caserne de gendarmerie, une partie du terrain abritant l’Office du complexe olympique de Nouakchott), le contrat de construction de l’aéroport international Oum Tounsy de Nouakchott suivant une procédure de gré à gré, la gestion de la Société nationale industrielle et minière (SNIM), la concession du terminal à conteneurs du port de Nouakchott... Soit un total de 96 marchés», selon des sources bien informées.
La Commission d’enquête parlementaire (CEP) a entendu trois anciens Premiers ministres, plusieurs ex-ministres et hommes d’affaires proches de l’ancien chef de l’Etat.
Convoqué par les députés jeudi dernier, Mohamed ould Abdel Aziz ne s’est pas présenté.
Le document élaboré par les parlementaires se présente comme une somme «d'observations et de conclusions».
Lire aussi : Mauritanie: Abdel Aziz aurait-il proposé de vendre une île à l'ancien émir du Qatar?
«Lors de cette séance [de présentation], le rapport sera adopté ou rejeté, au vu de son contenu. Si l’option des députés est de retenir les conclusions, alors il semble certain que le Parlement va devoir envoyer les principaux protagonistes de l’énorme machinerie criminelle économico-financière, devant la justice. Reste à savoir, précisément, de quelle justice il va s’agir: Haute Cour de justice ou juridiction ordinaire?», s’interroge le Pr Lô Gourmo, spécialiste du droit et homme politique.
Quelques jours avant cette plénière, l’Assemblée nationale de Mauritanie discutera d’une loi organique instituant une Haute Cour de justice (HCJ) au cours d’une séance plénière fixée au 27 juillet.
Cette juridiction, prévue par les articles 92 et 93 de la Constitution mauritanienne du 20 juillet 1991, est compétente pour juger le président de la République (en cas de haute trahison) et les membres du gouvernement (pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions).
Lire aussi : Mauritanie: colère des islamistes après l’arrêt de la procédure de mise en place de la Haute cour de justice
Toutefois, face à l’interrogation du Pr Lô, un autre juriste, Béchir Fall, donne un avis tranché: «la Haute Cour de justice (HCJ) n’est jamais compétente pour juger un ancien président de la République, lequel étant devenu un simple citoyen, n’est plus justiciable que devant les tribunaux ordinaires de l’ordre judiciaire».
Mohamed ould Abdel Aziz est arrivé au pouvoir à la faveur d’un putsch le 6 août 2008.
Il a été élu président de la République le 18 juillet 2009 et réélu le 21 juin 2014.
Aziz a cédé le pouvoir au profit de Mohamed Cheikh Ghazouani, un ancien compagnon d’armes et ami de 40 ans, le 1er août 2019, après un scrutin présidentiel organisé le 22 juin.