Mauritanie: les sanglots de l'ex-patron de l'état civil n'ont pas ému

M'Rabih Rabou Ould El Wely, ex-directeur général de l'Agence nationale pour le registre des populations et les titres sécurisés (ANRPTS).

M'Rabih Rabou Ould El Wely, ex-directeur général de l'Agence nationale pour le registre des populations et les titres sécurisés (ANRPTS).. DR

Le 14/06/2017 à 17h38, mis à jour le 14/06/2017 à 17h41

Les sanglots de l'ancien administrateur directeur général de la très décriée Agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés (ANRPTS), au moment de la passation de service, n'ont pas ému les Mauritaniens. Florilège de réactions.

Mohamed Vadel Ould Hadramy dit M’Rabih a été remplacé au poste d'administrateur directeur général (ADG) de l’Agence nationale du registre des populations et des titres sécurisés (ANRPTS), le 30 mai dernier. Loin d'émouvoir, ses sanglots au moment de dire adieu aux agents de l’institution créent le buzz et génèrent des torrents de commentaires sur les réseaux sociaux.

Nombreux sont ceux qui reviennent sur le bilan de cette institution, gérée avec dureté par l’ex-homme de main du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Globalement, son bilan est très décrié par les Mauritaniens en général, et suscite une aversion particulière parmi les populations de la vallée du fleuve.

Le Pr Lô Gourmo, avocat et vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP-opposition), écrit: "Cette agence des titres a, pendant dix interminables années, représenté ce qui a été fait de pire en matière administrative depuis l’indépendance du pays. Elle est le symbole du mépris à l’égard des institutions républicaines, du droit et des populations, surtout des plus démunies. Elle s’est structurée en une immense pompe à finances, un monstre de gabegie siphonnant le peu qui reste dans les poches des citoyens les plus pauvres, à Nouakchott et dans les zones les plus reculées du pays. Elle a élevé le chauvinisme et le racisme au rang d’institutions officielles de l’Etat".

Et ce n'est pas tout, poursuit Lô Gourmo. "Elle a détruit la vie de dizaines de milliers de citoyens en effaçant d’un trait de plume leur état civil, leur nationalité. Elle a fait de la vente des passeports une activité commerciale, de gros et de détail. Elle a érigé l’absurdité bureaucratique en merveille artistique, et élevé les pratiques illégales au rang de seul langage numérique biométrique du pays. Cette agence a illustré au quotidien toute la signification du crime administratif d’Etat. Après tout ça, aucun sanglot ne pourra faire oublier cette ténébreuse décennie».

Pour sa part, Dahaba Djibril Diagana estime qu'effectivement «rien ne fera oublier le passage de cet homme à l’état civil, sauf le rétablissement de tous les apatrides et sans-papiers, dans leur droit fondamental, avec les excuses officielles de l’Etat aux victimes qui n’ont que trop enduré ce sabotage».

Quant à Nana Mint Mohamed Laghdaf, responsable du Rassemblement des forces démocratiques (RFD-opposition), elle affirme que l’ex-patron de l’état civil «n’a pas de raison de sangloter, car il vient d’être nommé par son ami Aziz, comme DG d’une grosse entreprise d’investissement de travaux de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), dont le siège se trouve à Conakry (Guinée). Son départ est loin d’être un limogeage d’autant que l’état civil ne présente désormais plus d’intérêt financier majeur».

Pour Bacary Waiga, «le drame dans l’affaire, c’est qu’on va le laisser dépenser tranquillement ces faramineuses sommes gagnées sur le dos du peuple».

Face aux accusations de gabegie, en réponse à une question orale posée par un député il y a quelques jours, le ministre de l’Intérieur, Ahmedou Ould Aballah, a expliqué que toutes les ressources financières perçues par l’ANRPTS étaient reversées au Trésor. Seulement, les Mauritaniens se demandent à quel titre s’exprimait ce responsable gouvernemental dans la mesure où son département n’exerce plus de tutelle sur l'ANRPTS depuis plusieurs années.

Reste que pour beaucoup, M'Rabih n'est qu'un élément du système qui ne faisait qu'exécuter des ordres. Partant, son départ ne risque pas de changer grand-chose.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 14/06/2017 à 17h38, mis à jour le 14/06/2017 à 17h41