Gambie: le Sénégal retire trois cailloux de sa chaussure

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Le 23/01/2017 à 18h18, mis à jour le 23/01/2017 à 20h31

Il y a au moins trois raisons qui font que le Sénégal avait grand intérêt à chasser Yahya Jammeh du pouvoir. Le leader gambien était à la tête d'un trafic d'essences végétales menacées. Il refusait la construction du pont sur le fleuve Gambie et soutenait les rebelles du MFDC.

A la tête de la coalition mise en place par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Sénégal a pris une position sans équivoque pour le rétablissement de la démocratie en Gambie. La Gambie, avec la complicité de Yahya Jammeh, est la plaque tournante du trafic illicite du bois sénégalais, notamment du teck et du vene ou Ptercarpus Africanus Erinaceus. La chute de Yahya Jammeh et l’installation d’Adama Barrow à la Présidence Gambienne laissent peut-être entrevoir une solution.

L'autre conséquence des changement en Gambie, pays qui partage le territoire sénégalais en deux, va certainement être le désenclavement la région sud. En effet les caprices à répétition de l’ancien homme fort de la Gambie avaient quelque part, fini par séparer la Casamance des autres régions du Sénégal. Le dernier en date étant l’augmentation de la taxe imposée aux gros porteurs en provenance du Sénégal.

La Gambie, une anomalie géopolitique au sein du Sénégal

De manière unilatérale, les autorités gambiennes avaient pris, en février 2016, la décision de faire passer la taxe de transit imposée aux camions sénégalais de 4 mille à 400 mille francs CFA. Les transporteurs sénégalais avaient perçu cette décision arbitraire comme une énième saute d’humeur de Jammeh. D’où le boycott, pendant plusieurs mois, de la route transgambienne. En partance de Dakar et des autres régions, les routiers étaient ainsi obligés de passer par la région de Tambacounda, pour acheminer les marchandises dans les zones de Kolda et Ziguinchor qui se trouvent au sud du pays. Ils leur fallait certes, pour joindre le Sud via Tamba, faire près de 450 km supplémentaires mais ils s'évitaient ainsi les tracas à répétion de la douane et de la brigade routière gambienne.

Par ailleurs, le retour de la démocratie en Gambie sera probablement l’occasion rêvée de finaliser le projet de construction d’un pont sur le fleuve Gambie. Un projet qui dort dans les tiroirs à cause de l’opposition de Yahya Jammeh. « Concernant le pont, nous verrons ce qu'il est possible de faire. Mais je crois qu'il sera possible de le construire. J'y crois. Nous devons veiller à ce qu'il n'y ait pas d'erreurs parce qu’avec le Sénégal, nous sommes un même pays», a soutenu le Président Adama Barrow dans son interview accordée à la BBC Afrique.

Autre opportunité, la démocratie en Gambie permettra de mettre un terme à la rébellion vieille de plus de 30 ans de la MFDC. En effet, la Gambie servait de base arrière à la branche de Salif Sadio. Une manière pour Yahya Jammeh de maintenir la pression sur le Sénégal. Et de profiter de l’insécurité au sud du Sénégal pour maintenir le trafic illicite de bois et de drogue pour, par la suite, les acheminer en Chine.

Malgré les innombrables efforts faits par Dakar, Banjul avait toujours campé sur sa position et n’avait jamais affiché une réelle volonté d’aider le Sénégal à trouver une solution au problème casamançais. «Yahya Jammeh, parle de paix le jour et arme le MFDC la nuit», avait même souligné, Yoro Dia. Rétablir la légalité et investir Adama Barrow à la Présidence Gambienne est ainsi «L’occasion inespérée de faire partir ce voisin gênant et de tourner la page de notre crise nationale la plus grave», a insisté le journaliste politologue. Cependant, l’Etat sénégalais, avec l’aide de la CEDEAO, doit montrer sa fermeté en ce qui concerne l’intégrité du territoire national mais également traiter avec tact le conflit casamançais pour ne pas le raviver en cette période de transition où la paix de la zone n’a jamais été aussi proche.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 23/01/2017 à 18h18, mis à jour le 23/01/2017 à 20h31