Sénégal: l'homme le plus riche d'Afrique accusé de faux pour spolier un associé

khalil Essalak

Le 13/07/2017 à 10h22, mis à jour le 13/07/2017 à 11h19

Aliko Dangote est opposé à la famille d'un associé décédé qui l'accuse d'avoir spolié ses actions en falsifiant des documents. Son avocat aurait reconnu les faits et le jugement est attendu le 27 juillet courant.

Ce 27 juillet courant, l'homme à la tête de la première fortune d’Afrique est jugé à Dakar pour faux, usage de faux et association de malfaiteurs. Les héritiers de Kader Mbacké, son défunt associé, sont très remontés contre Aliko Dangote et portent l’affaire devant la justice.

Après la contestation des ouvriers contractuels de Dangote Cement Sénégal qui réclamaient un meilleur traitement, la première fortune d’Afrique et sa société sont de nouveau trainées devant la justice sénégalaise. Les héritiers de feu Kader Mbacké accusent le patron de Dangote Cement Sénégal de s’être illégalement approprié les 10% de la société que détenait leur défunt père. Ils ont ainsi déposé plainte contre Aliko Dangote au tribunal correctionnel de Dakar et lui réclament 20 milliards de francs CFA (30,075 millions d’euros).

Cette plainte a été déposée par Daba Diop, mère du défunt Kader Mbacké, Khady Mané et Fatou Bintou Bah, ses deux épouses et son fils, Serigne Cheikh Mbacké. Le PDG de Dangote Industries Limited et président du Conseil d’administration de Dangote Cement Sénégal, l’ancien administrateur de ladite société et son remplaçant, Roger Gold Smith et Lucas Erik Haelterman sont cités dans cette plainte. Ce recours vise aussi contre la société Dangote Cement Sénégal.

Une convention entre Aliko Dangote et Kader Mabcké

"Entre Kader Mbacké et Aliko Dangoté, il a été convenu la création d’une filiale de la société Dangote Industries Limited au Sénégal. A ce titre, Dangote, suivant un acte sous seing privé en date du 4 février 2007, a donné procuration à feu Kader Mbacké aux fins de création de ladite société", peut-on lire sur le document adressé à la justice par la famille de Kader Mbacké.

Dangote Industries Sénégal, une société anonyme avec administrateur général a été ainsi créée en présence du notaire maître Moussa Mbacké, le 26 mars 2007. Au début, les actions étaient réparties comme suit: Dangote Industries Limited détenait les 90% de la société, alors que les 10% revenaient à feu Kader Mbacké.

Comme on peut le voir dans le procès-verbal des délibérations de l’assemblée générale constitutive du 26 mars 2007, feu Kader Mbacké assurait le rôle «d’administrateur directeur général» de la société. Avec cette fonction, il pouvait ainsi entamer les démarches pour l’obtention d’une mine de calcaire à Pout. Cette localité est située dans le département de Thiès qui se trouve dans la région du même nom, à 70 kilomètres à l’est de Dakar.

En décembre 2008, est prise l'ordonnance 2008-1431 qui accorde à la société Dangote Industries Sénégal un site minier de calcaire dans la forêt classée de Pout et un site minier d’argile et de latérite à Thicky, toujours dans la région de Thiès. D’après les vérifications faites par les représentants de famille auprès de la Conservation de la propriété foncière de Thiès, les démarches de Kader Mbacké ont permis d’immatriculer le deux sites et, par la suite, d'obtenir les autorisations auprès du ministère de l’Environnement.

La volte-face d’Aliko Dangote

Malheureusement, le 10 septembre 2010, Kader Mbacké a rendu l’âme et n’a pas pu voir la finalité du projet de Dangote Industries Sénégal. Ainsi le tribunal départemental de Dakar a-t-il rendu, le 25 août 2011, un jugement concernant l'héritage du défunt. Dans ce jugement n°1759, le tribunal nomme Abdoulaye Diouf comme administrateur séquestre de la succession de Kader Mbacké, par l’ordonnance numéro 229, datée du 24 mars 2011. Comme par enchantement, et malgré les 10% qui devraient revenir à Kader Mbacké, Dangote industries Sénégal a complètement mis à l’écart les héritiers de la gestion de la société.

Plus étonnant encore, ce n’est qu’en faisant un inventaire des biens laissés par Kader Mbacké que les héritiers ont pu découvrir l’existence de ces actions. Pour leur permettre de rentrer dans leur droit, le 20 mars de la même année 2011, l’administrateur séquestre avait déjà saisi par courrier le directeur général lui demandant des informations sur la gestion de la société. Mais à sa grande surprise, Roger Gold Smith, le directeur général en place, aurait fait preuve de mauvaise foi en balayant d’un revers de main la thèse de l’existence des 10% appartenant aux héritiers. «Feu Kader Mbacké ne détient pas d’actions ni dans Dangote Cement Sénégal ni dans Dangote Industries Sénégal», avait-il répondu.

Une attitude rocambolesque

Pour ne rien arranger, après le décès de feu Kader Mbacké, Roger Gold Smith avec la complicité du président de la société, a convoqué, le 2 mars 2012, une assemblée générale extraordinaire. Au cours de celle-ci, il décide de transformer les statuts de la société. Ainsi, de société anonyme avec administrateur général, l’entreprise devient une société anonyme avec conseil d’administration.

Comme pour éliminer toute trace des 10% de feu Kader Mbacké, le directeur général change également la dénomination de Dangote Industries Sénégal en baptisant la société Dangote Cement Sénégal. Durant la même assemblée générale et celles qui suivront, il a été noté d’exclusion définitive et complète de Kader Mbacké de la société. Le fait le plus étonnant dans cette affaire est qu’à partir de la date du 2 mars 2012, les traces des 10% qui doivent maintenant appartenir aux héritiers n'apparaissent plus dans aucun des documents de la société.

En plus des 90% en sa possession, Dangote aurait fait main basse sur les 10% qui ne lui appartenaient pas, expliquent les héritiers. Mais ces derniers n’entendent pas se laisser faire et n’ont pas tardé à adresser une plainte au doyen des juges.

Se sachant ainsi épinglés grâce à l’opiniâtreté des conseillers juridiques des héritiers et la clairvoyance de l’administrateur séquestre, Aliko Dangote et Roger Gold Smith ont fait machine arrière en avouant que Kader Mbacké détenait bel et bien 10% dans la société. Le 17 février 2017, une correspondance portant la signature du Conseil d’administration de la société Dangote Cement Sénégal a été transmise aux avocats des plaignants maîtres Ousmane Seye et Mbaye Dieng. Le jugement pourrait ainsi être rendu le 27 juillet 2017.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 13/07/2017 à 10h22, mis à jour le 13/07/2017 à 11h19