Sénégal. Les quinze députés pour la diaspora: un piège qui ne dit pas son nom

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Le 02/03/2017 à 19h18, mis à jour le 02/03/2017 à 19h42

Le 30 juillet 2017, la diaspora sénégalaise fera son entrée à l’Assemblée nationale. Mais, entre la répartition des 15 députés selon les départements extérieurs et la forclusion des candidatures indépendantes, se dessine la ruse de l’actuelle coalition majoritaire.

La diaspora sénégalaise qui s’est toujours plainte de n’avoir pas de représentantsà l’Assemblée nationale. Elle sera satisfaite aux prochaines législatives du 30 juillet 2017. Après l’adoption, par le Parlement sénégalais, le 3 janvier 2017, du projet de loi portant modification du code électoral, 15 nouveaux députés vont rejoindre les 150 élus. Ces changements apportés au code électorale sénégalais sont applaudis du côté des Sénégalais de l’extérieur et de l’Alliance pour la République ( APR), le parti présidentiel, derrière lequel s'est rangé la coalition «Benno Bokk Yaakar» («unis, ayant le même espoir",en wolof). Mais si l’opposition est d’accord sur le principe, elle a dénoncé la pléthore de députés qui va nécessiter une charge financière supplémentaire.

Première région économique

«Il n’y a aucun problème à ce qu'on attribue 15 députés à la diaspora qui apporte annuellement 900 milliards de FCFA à l’économie du Sénégal», soutenait Pape Birame Touré, juste après l'adoption de la loi.

Le prétexte est donc trouvé. Ce député de la majorité à l’Assemblée nationale, brandit l’argument économique. Dans le fond, l’élection de 15 députés représentant la diaspora est une chose louable. Cet avis est partagé par Pape Ibrahima Sow, président de l’Association des Sénégalais d’Amérique qui s’est «réjoui du fait que l’Assemblée ait pris cette décision». Actuellement, avec 2,5 à 3 millions de personnes, la diaspora sénégalaise a une population équivalente à celle de Dakar. Et pas moins de 1,38 milliards d’euros sont transférés chaque année par les expatriés sénégalais. Cette somme représente le tiers du budget du Sénégal en 2017.

C'est donc, une bonne chose que le Sénégal prenne, enfin, en compte des ressortissants dans ses décisions. Car, «on ne pas prétendre construire un pays en ignorant le ¼ de sa population, même si, celui-ci est absent du territoire». Mais il émet tout de même un bémol. «Il faudrait que les futurs représentants des expatriés sénégalais à l’hémicycle ignorent leur appartenance politique pour mieux défendre les intérêts de leurs électeurs».

Le cadeau empoisonné

«Les députés de la diaspora doivent représenter, inéluctablement, une liste ou une coalition de listes de partis ou de formations politiques. La candidature individuelle n’est pas permise», a déclaré Bernard Casimir Cissé, le directeur de la Formation et de la communication de la direction des élections.

Ces règles établies ne sont pas en phase avec les aspirations de quelques uns des Sénégalais de l’extérieur comme Dame Babou, un journaliste établi au Etats-Unis. Ce natif de Louga avait ouvertement fait une déclaration de candidature indépendante. Il est donc éliminé d’office par cette disposition qui est taillée sur mesure pour l’actuelle majorité qui dispose de moyens suffisants pour mener campagne à l’extérieur du Sénégal. Autre piège, «les députés de la majorité ne seront élus qu’au scrutin majoritaire», a précisé Bernard Casimir Cissé. Ainsi, les coalitions de partis qui auront le plus grand nombre de votants dans un département extérieur, remporteront tous les sièges de cette localité. Ce qui est toujours, une manière de favoriser l’APR, le parti au pouvoir au Sénégal.

Afin de protester contre le nombre de députés et le mode de scrutin, l’opposition a eu recours au Conseil constitutionnel pour l’annulation de la loi organique sur le code électoral voté par les députés. Elle estime que ces 15 députés accordés à la diaspora témoigne d'une différence de traitement entre les citoyens.

«Les Sénégalais constitutifs de cette 15e région sont des électeurs et avant tout des citoyens de notre pays, comme le sont tous les autres citoyens des 14 autres régions. Qu’est-ce qui peut expliquer qu’il n’ait pas été tenu compte de la taille de la population vivant dans cette 15e région pour déterminer le nombre de sièges à pourvoir?», s’interroge le porte-parole du Pds, Babacar Gaye.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 02/03/2017 à 19h18, mis à jour le 02/03/2017 à 19h42