Sénégal: Niasse et Tanor Dieng, ces compagnons de Senghor qui sacrifient leurs partis pour un poste

Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng : des présidents grâce au président

Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng : des présidents grâce au président. DR/

Le 25/03/2017 à 11h50, mis à jour le 25/03/2017 à 11h57

Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng respectivement président de l’Alliance des forces du progrès (AFP) et secrétaire général du Parti socialiste du Sénégal ont opté pour le compagnonnage de Macky Sall. S’ils en tirent profit, cette situation risque d’entraîner l’implosion de leurs partis.

Ce n’est pas la sérénité des dirigeants des deux principaux partis politiques qui soutiennent le président Macky Sall. Les choix de Moustapha Niasse, président de l’Alliance des forces du progrès (AFP) et président du Parlement du Sénégal, et Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du Parti socialiste sénégalais, et président du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), de soutenir le président sénégalais pour sa réélection en 2019, ne font pas l’unanimité au sein de leurs partis respectifs.

Des décisions qui sont à l’origine de déchirures au sein de ces deux partis dirigés par des anciens compagnons de Senghor lorsque le Parti socialiste présidaient aux destinées du Sénégal.

Preuve que ce compagnonnage avec Macky Sall ne fait pas l’unanimité au sein de l’AFP, Malick Gakou, militant de première heure de l’Alliance des forces du progrès (AFP) de Moustapha Niasse, a été exclut du parti pour avoir qualifié de «hold-up politique» la décision de Moustapha Niasse de soutenir le Président Macky Sall aux élections présidentielles de 2019.

A quelques différences près, ce même sort est réservé à Khalifa Sall, Bamba Fall et Jean Paul Diaz qui, de leur côté, ont dénoncé l’attitude «suiviste» d’Ousmane Tanor Dieng, premier secrétaire du parti socialiste, qui veut engager leur parti sous la bannière de l’Alliance pour la république (APR) de Macky Sall, aux législatives de 2017.

«Les ainés devaient partir et laisser la place aux plus jeunes», a soutenu l’ancien militant du Parti socialiste, Ameth Saloum Boye, une pensée de Léopold Sédar Senghor, que le 1er vice-président du Conseil départemental de Malem Hodar porte toujours en bandoulière. Cependant, tous les deux, héritiers de Senghor semblent avoir une autre vision de l’alternance au sein de leurs partis respectifs. Après plus de 4 décennies au pouvoir, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng ne sont pas prêts à laisser la place à leurs jeunes camarades. Ils entendent s’éterniser à la tête des instances de décision. Malheureusement, des jeunes comme Khalifa Sall, Malick Gakou, Barthélémy Diaz et Bamba Fall qui ont voulu ramer à contre-courant de ces pensées, en ont fait les frais.

Deux hommes, un seul destin

Pour avoir, en tant que socialiste, fait partie des équipes gouvernementales de Léopold Sédar Senghor, et d’Abdou Diouf, et pour avoir été, par la suite, tous les deux, chef de partis politiques, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng ont des destins qui se ressemblent.

Ancien directeur de cabinet du Président Senghor après avoir été haut fonctionnaire, Moustapha Niasse est nommé ministre de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’environnement, le 15 mars 1979, puis ministre des Affaires étrangères le 19 septembre 1979, ensuite Premier ministre de 1983. Son passage aux Affaires étrangères aidant, Moustapha Niasse deviendra en 1998, représentant du Secrétaire général des Nations unis dans les Pays des Grands Lacs.

Il se présente aux présidentielles de 2000 comme candidat de L’AFP. Arrivé 3e avec 16,8% des suffrages, Niasse sera nommé une nouvelle fois Premier ministre par Abdoulaye Wade, gagnant des élections. Mais ce compagnonnage tourne au vinaigre et il sera destitué.

Après un passage à vide, Niasse revient en force le 30 juillet 2012 comme président de l’Assemblée nationale, après avoir soutenu Macky Sall.

Tout comme le précédant, Ousmane Tanor Dieng a lui aussi cheminé avec les présidents Senghor et Abdou Diouf.

Dans l’administration sénégalaise, Ousmane Tanor Dieng a été conseiller chargé des affaires internationales au ministère des affaires étrangères de 1976 à 1978, avant de devenir conseiller diplomatique auprès du président Léopold Sédar Senghor de 1978 à 1981. A son accession au pouvoir en 1981, le président Abdou Diouf le reconduit à ce poste de 1981 à 1988. Il est nommé en 1988, directeur de cabinet, ensuite ministre-directeur de cabinet auprès du président de la république, avant d’atterrir au ministère d’Etat, ministère des services et affaire étrangères.

Lui aussi connaîtra une période de disette après la chute du président Abdou Diouf aux élections présidentielles de 2000. Mais, pour le récompenser de son soutien aux présidentielles de 2012, le président Macky Sall le nomme, le 20 octobre 2016, Président du HCCT.

Toutefois, leurs cheminements en tant que socialistes auprès des deux premiers présidents du Sénégal, n’est pas le seul point commun entre ces deux hommes. Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng partagent aussi leur boulimie insatiable du pouvoir. Après toutes ces décennies passées au pouvoir, la raison voudrait qu’ils laissent la place aux jeunes cadres de leurs partis qui ont également la noble ambition de diriger, un jour, certaines institutions du Sénégal, devenir un jour président de l’Assemblée nationale ou, pourquoi pas accéder à la magistrature suprême. Au contraire, ils constituent un obstacle majeur à l’avancée des jeunes comme Khalifa Sall, Malick Gakou, Barthélémy Diaz… Dirigeant leurs partis en chefs absolus, ils n’hésitent pas à écraser tout militant qui aurait la prétention de les remplacer. Et Khalifa Sall et Malick Gakou l’auront su à leur dépens.

Pas de place de libre pour les jeunes ambitieux.

Moustapha Niasse exclut tout débat contradictoire au sein de «son parti», avait dénoncé Malick Gakou lors de son exclusion de l’AFP. Ce dernier avait la maladresse de défendre une position autre que celle de Moustapha Niasse.

Contrairement à l’avis de leur président de parti qui veut à tout prix, que l’AFP aille aux élections présidentielles de 2019 dans une coalition dirigée par le président Macky Sall, Malick Gakou, Malick Guèye, Mamadou Goumbala, Mame Diarra Cissé et quelques autres membres du bureau exécutif de l’AFP, voulaient que leur parti fasse cavalier seul au premier tour des prochaines présidentielles. «Vu les propositions des instances du parti, les instigateurs et les auteurs des actes d’indiscipline caractérisée, faites par les coordinations régionales, les délégations départementales et communales, les sections de l’extérieur et de l’intérieur, les mouvements intégrés et affiliés; ont été exclus Malick Gakou, Malick Guèye… en application des articles 22 et 31 du règlement intérieur du parti», avait tenté de se dédouaner Moustapha Niasse dans son communiqué. «Le 10 mars 2014, le Bureau politique a décidé de soutenir la candidature de Macky Sall en 2017», avait-il expliqué.

Même cas de figure au niveau du parti socialiste. «Ce que Senghor a fait pour Abdou Diouf en lui cédant le pouvoir en 1981, ce dernier l’a aussi fait pour Ousmane Tanor Dieng. Ainsi, l’actuel premier secrétaire du Parti socialiste devrait faire la même chose avec les autres, notamment Khalifa Sall». Mais, regrette Ameth Saloum Boye «Ousmane Tanor Dieng ne le fera pas parce que c’est dans son style. Il n’est pas très généreux dans l’affectation des responsabilités», a renseigné cet ancien camarade du premier secrétaire du PS. Malheureusement, pour le maire de Dakar, l’avenir a donné raison à Ahmeth Saloum Boye

En effet, son opposition au soutien du Parti socialiste à Macky Sall aux élections législatives du 30 juillet 2017, lui a coûté d’être banni par Tanor Dieng, Abdoulaye Wilane et tous leurs partisans. Pire encore, ses camarades tentent de l’enfoncer dans son incarcération dans le cadre du dossier de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Une manière bien maladroite de se débarrasser d’un camarade de parti avec qui ont aura vécu beaucoup de chose.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 25/03/2017 à 11h50, mis à jour le 25/03/2017 à 11h57