Sénégal-Assemblée nationale: le bilan médiocre de la 12e législature

Bagarres, injures et disputes, la 12eme législature aura négativement marqué les esprits

Bagarres, injures et disputes, la 12eme législature aura négativement marqué les esprits. DR/

Le 19/05/2017 à 09h00

La 12e législature en aura fait voir de toutes les couleurs aux Sénégalais. Entre des députés qui s’injurient à chaque session parlementaire et des ministres qui se cachent derrière le chef du gouvernent pour répondre aux questions des députés, la déception est grande.

S’il y a une chose que les Sénégalais reconnaissent unanimement, c’est le fiasco de la 12e législature.

Pour une fois, les parlementaires de la majorité et de l’opposition, la société civile et les citoyens lambda s’accordent à montrer leur profonde déception sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale sénégalaise.

A chaque occasion, les députés du groupe parlementaire «Benno bokk yakaar», majoritaire à l’Assemblée nationale ont échangé des invectives avec ceux de l’opposition. Plusieurs fois, ces deux groupes en sont même venus aux mains. Cette situation chaotique a fini par faire perdre aux Sénégalais toute estime envers l’Assemblée nationale qu’ils ont pourtant élue.

Quand il s’agit de donner son opinion sur la 12e Assemblée nationale sénégalaise dont il fait partie, maître El Hadj Diouf n’y va pas par quatre chemins. Le sulfureux avocat qui s’est autoproclamé «avocat du peuple» tire à boulets rouges sur l'institution.

«Cette législature est la plus nulle de l’histoire parlementaire du Sénégal. Je n’ai pas reconnu ce Parlement», avait-il asséné. «J’ai la chance d’avoir eu deux mandats. J’étais là avec les Doudou Wade (frère de l’ex-président Abdoulaye Wade et ancien président du groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais); je suis là avec les Moustapha Diakhaté (actuel président du groupe parlementaire Benno bokk yakaar). Je peux juger», avait-il ajouté.

Maître El Hadj Diouf compare ainsi la 12e législature à la précédente. Sous le régime du Président Wade, les ministres allaient seuls à l’Assemblée nationale pour répondre aux interrogations des députés. Malheureusement, les ministres du président Macky Sall préfèrent toujours se cacher derrière le Premier ministre, Mahammad Boun Abdalah Dionne.

Parlant de l’énergie, le «député du peuple» apporte des exemples concrets. Ministre de l’Energie au moment où les délestages électriques énervaient tous les Sénégalais, «Samuel Sarr avait pris son courage à deux mains pour faire face aux députés». «On a également vu Oumar Sarr, trois jours après avoir perdu sa mère, revenir de Dagana et affronter les députés, pour parler des inondations», a-t-il déclaré.

Il a toujours décrié le fait que «les ministres du président Macky Sall se cachent derrière le chef du gouvernement». L’avocat rend aussi un verdict sans pitié à l’encontre de Moustapha Niasse, président du Parlement à qui il impute ce naufrage de l’Assemblée nationale. «Si la tête est pourrie, tout est pourri», a-t-il terminé.

«La 12e législature est un échec»

Le sévère jugement rendu par Maître El Hadj Diouf à l’endroit de l’Assemblée nationale est, pour une fois, partagé par Moustapha Diakhaté, le président du groupe parlementaire «Benno bokk yakaar».

«La 12e législature est un échec». Cette déclaration qui choque la majorité des Sénégalais est de Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire «Benno bokk yakaar», qui contrôle la majorité à l’Assemblée nationale. Il donne ainsi raison au peuple qui a toujours décrié l’absentéisme et le somnambulisme des députés, malgré leurs salaires très élevés et tous leurs avantages.

Un traitement princier, une attitude déplorable.

Chaque député touche, au minimum, 1.300.000 de francs CFA (1.954 euros), sans compter les autres avantages comme la voiture de fonction et le carburant offert. Les présidents des groupes parlementaires gagnent eux 3 000.000 de francs CFA (4.500 euros) en plus de la voiture, des 1.000 litres de carburant et les 500.000 francs de crédit téléphonique. Et ceci, tous les mois.

Malgré ce traitement princier, les députés s’offrent toujours en spectacle en s’injuriant. Pour défendre telle où telle autre position partisane, les parlementaires sont même prêts à en venir aux mains. Pendant ce temps, les citoyens qui les avaient élus pour les défendre sont en train d’assister impuissants à cette mascarade qui ignore leurs intérêts.

La déception du peuple envers son Assemblée nationale est si grande que des membres de la société civile sont montés au créneau pour dénoncer le comportement irresponsable de certains députés.

Selon le journaliste de la 2Stv, Mamadou Sy Tounkara qui ne fait jamais dans la langue de bois, «l’Assemblée nationale ne donne pas satisfaction au peuple sénégalais». Il a pour sa part dénoncé «les détournements de deniers publics et les fraudes fiscales» de l’Assemblée nationale.

Cette accusation était, au début, balayée d’un revers de main par la plupart des députés. Cependant, devant d’accablantes preuves, le Parlement a été obligé de payer au fisc ce qu’il lui devait. Selon Mamadou Sy Tounkara, «L’Assemblée viole les lois qu’elle vote elle-même. Voter une loi pour tout un peuple et la violer soi-même est très certainement une marque d’hypocrisie. Si des soupçons de vol et détournement s’y ajoutent, on est bon dernier de la classe».

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 19/05/2017 à 09h00