Sénégal. Présidentielle: les dessous d’une bataille juridique pour empêcher la candidature de Khalifa Sall

Khalifa Sall, maire de Dakar

Khalifa Sall, maire de Dakar. dr

Le 16/12/2018 à 08h38, mis à jour le 16/12/2018 à 10h55

Khalifa Sall, l’ex-maire de Dakar condamné dans l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie, et destitué par un décret signé par le président Macky Sall, sera définitivement fixé sur son sors le jeudi 20 décembre. Son recours devant la Cour suprême sera examiné ce jour-là.

Cette ouverture précipitée du procès en appel de l’ex-maire de Dakar par la Cour suprême laisse perplexes ses partisans qui dénoncent une nouvelle tentative d’éliminer un sérieux adversaire de Macky Sall à la présidentielle de février 2019. Cependant, dans le camp présidentiel, on parle de «propos politiciens» tenus par les soutiens de Khalifa Sall.

Khalifa Sall va-t-il subir le même sors que Karim Wade?

Le timing semble bien réglé par les adversaires de Khalifa Sall. Ce n’est que le mardi 11 décembre dernier, la veille du dépôt des signatures du parrainage que les responsables de la Coalition Taxawu Sénégal, proches de l’ex-maire de Dakar, ont appris que la date de l’audience à été fixée au 20 décembre prochain.

Cette «précipitation» intrigue le conseiller politique de Khalifa Sall, Moussa Taye, qui plaide pour une justice équitable pour tous les citoyens sénégalais. «Il y a des milliers de dossiers antérieurs à celui de Khalifa Sall. Mais on l'a extirpé pour le vider. C'est ce qui nous inquiète», a-t-il confié ce vendredi 15 décembre. Et de continuer en invitant les juges à plus de responsabilité.

«Nous espérons que, cette fois-ci, les magistrats de la Cour suprême seront beaucoup plus inspirés et beaucoup plus courageux que leurs collègues des juridictions inférieures, et dire le droit conformément à leur serment», a ajouté Moussa Taye.

Rappelant la candidature de son leader à la prochaine présidentielle, le conseiller politique dira que Khalifa Sall sera bel et bien candidat. Et comme pour tous les autres prétendants à la magistrature suprême, «l’Etat doit prendre ses dispositions pour que Khalifa Sall, même en prison, puisse participer activement à la campagne électorale».

Au rythme auquel s’accélèrent les choses pour Khalifa Sall, et compte tenu du fait que la Cour suprême ne va pas statuer sur les faits, c’est-à-dire le fond du dossier mais plutôt sur l’application ou non de la loi, ce procès en appel pourrait être rapidement évacué.

Tout comme Karim Wade, le candidat déclaré du Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade, Khalifa Sall pourrait donc être définitivement condamné avant le 20 janvier. A noter que cette date est fixée pour la publication de la liste des candidats à la présidentielle, par la Conseil constitutionnel.

Rappelons aussi que Karim Wade se trouve dans le même cas de figure car il a été lui, condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) dans le cadre de la traque des biens mal acquis lancée par Macky Sall. Le nom du fils de l’ancien président, Abdoulaye Wade, ne figure pas sur les listes électorales, selon le ministre de l’Intérieur, malgré qu’il se soit déclaré candidat en 2019.

Les proches de Macky Sall soutiennent que le droit sera dit

Selon Lamine Bar Gaye, membre des cadres républicains, proche de Macky Sall, «le Sénégal est une démocratie assez mature. Affirmer que le gouvernement instrumentalise la justice dans le dossier Khalifa Sall, c'est trop dire». «Khalifa Sall avait reconnu avoir détourné des deniers publics durant son procès», soutient-il. Et d’ajouter: «lui-même (Khalifa Sall) a intérêt à ce que son dossier soit vidé définitivement. Pourquoi donc se plaindre de la programmation du procès pour le 20 décembre? Pour le reste, c'est la politique et il faut accepter les propos de ses avocats et de ses partisans».

L’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, garde encore une chance de se présenter à la prochaine présidentielle malgré le fait que l’article L31 du Code électoral laisse entendre qu’il ne peut pas être candidat à cause des chefs d’accusation pour lesquels il a été condamné. C’est du moins ce que soutient l’enseignant-chercheur, par ailleurs constitutionnaliste, Ngouda Mboup.

Khalifa Sall a encore son destin de candidat en main

«Il sera très difficile d'empêcher Khalifa Sall d'être candidat, du moment qu'il a déjà son dossier au complet et que même avec une condamnation, il y a une possibilité de faire recours à un rabat d'arrêt».

A préciser que les avocats de Khalifa Sall disposeront d’un délai d’un mois pour introduire un recours de rabat d’arrêt. Mais vu que cette procédure pourrait prendre plus d’un mois, on sera déjà en plein dans l'élection présidentielle après ce délai.

L’opposition sur le pied de guerre

Afin de soutenir Khalifa Sall, candidat déclaré de la coalition Taxawu Sénégal, les leaders de l’opposition réunis au sein le Front national de résistance (Fnr) n’entendent pas baisser les bras. Ils ont même prévu d’organiser une grande manifestation le vendredi 21 décembre, le lendemain de l’ouverture du procès en appel de Khalifa Sall. Selon eux, «tous les citoyens sénégalais épris de justice devront se rendre devant le siège de la Cour suprême, le 20 décembre prochain, pour soutenir le député-maire et défendre l’Etat de droit».

«Nous allons profiter de cette journée pour dénoncer l'acharnement dont Khalifa Sall est victime. Mais nous profitons aussi pour réaffirmer nos positions par rapport au scrutin du 24 février. Nous récusons Aly Ngouille Ndiaye. Ce sera le début d'un processus jusqu'au jour du scrutin», a soutenu Makhtar Sourang, porte-parole du Fnr.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 16/12/2018 à 08h38, mis à jour le 16/12/2018 à 10h55