Sénégal. Enquête parlementaire sur 1,2 milliard d’euros emportés par les inondations

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Le 15/09/2020 à 14h48, mis à jour le 15/09/2020 à 17h26

Au Sénégal, le Programme décennal de lutte contre les inondations (PDLI), d’un coût global de 767 milliards de FCFA, soit près de 1,2 milliard d’euros, continue de susciter des réactions. L’Assemblée nationale qui faisait la sourde oreille jusqu’ici décide enfin de s’investir.

Les réactions se suivent et dénoncent la passivité de l’Assemblée nationale, si prompte à mener des enquêtes quand il s’agit d’enfoncer des proches de l’opposition et étonnamment inerte concernant la gestion des deniers publics.

La société civile, en l’occurrence Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil, le pendant sénégalais de Transparency International, Amacodou Diouf, président du conseil d’administration d’Action humaine pour le développement intégré au Sénégal (Ahdis), et Guy Marius Sagna du collectif Frapp restent unanimes sur la nécessité de mener une enquête parlementaire pour faire la lumière sur cette importante manne financière dépensée dans le cadre de ce plan contre les inondations.

Premier à l’évoquer, Amacodou Diouf invite les députés à prendre le dossier en main: «J’ose espérer que l’Assemblée nationale prendra ses responsabilités pour mettre en place une commission d’enquête». Selon lui, s’il s’avère que cette enveloppe a été dégagée sans effets substantiels dans la lutte contre les inondations, il faut chercher à situer les responsabilités et prendre des mesures idoines. Pour se faire, le président devrait instruire les organes de contrôle à en faire un rapport exhaustif pour informer les Sénégalais.

Autre leader de la société civile à élever la voix, Guy Marius Sagna de l’Association Frapp-France Dégage. «Vraisemblablement, quand on voit la somme annoncée pour lutter contre les inondations et la réalité du nombre de localités affectées, 8 ans après l’accession du président Macky Sall au pouvoir, cela peut vouloir dire beaucoup de choses à la fois», déclare-t-il.

«Premièrement, cela peut vouloir dire qu’en réalité, ce n’est pas le montant réel qui a été injecté dans la lutte contre les inondations», poursuit-il. Cet homme qui est de tous les combats auprès des citoyens, en particulier les sinistrés, réclame un audit de la gestion de cette somme dépensée en quatre ans et qui représente près du quart du budget annuel.

Pour le coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck, «une Assemblée nationale à la hauteur de ses responsabilités de représentation du peuple devrait immédiatement convoquer les ministres en charge de la lutte contre les inondations. Sept cent cinquante (750) milliards de FCFA pour récolter ces scènes de désolation. Une faillite réelle de la politique d’infrastructures de prévention contre les intempéries. La reddition des comptes était pourtant un engagement fort du président de la République», dénonce-t-il. 

Des réactions qui même si elles ne sont pas partagées par les parlementaires ont eu le mérite de les faire sortir de leur léthargie. Le Bureau de l’Assemblée nationale est convoqué ce mardi 15 septembre pour examiner le dossier des inondations, conformément aux dispositions de l’article 49 du règlement intérieur, fixant les modalités de la mise en œuvre d’une mission d’information représentative de toutes les sensibilités de l’Hémicycle. L’idée est de permettre aux parlementaires de mener à bien les missions qui leur sont dévolues, notamment dans des situations exceptionnelles, comme celle qui prévaut aujourd’hui, dans plusieurs parties du Sénégal, en l’occurrence les inondations.

«Il convient de projeter un regard lucide sur les solutions structurelles et les urgences de l’heure, dans un contexte où le fléau a gagné plusieurs pays situés dans différents continents, avec une ampleur autrement plus importante», mentionne un communiqué de l’Assemblée nationale.

D’après la même source, la mission d’information sera précédée de travaux au sein d’une inter-commission composée de la Commission des finances et du contrôle budgétaire, de la Commission de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat, des infrastructures et des transports, de la Commission du développement durable et de la transition écologique, et de la Commission de la santé, de la population, des affaires sociales et de la solidarité nationale.

«En engageant cette procédure tout à fait conforme à l’esprit et à la lettre de son règlement intérieur, l’Assemblée nationale entend accomplir, avec méthode et efficacité, les missions qui sont les siennes», lit-on dans le communiqué.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 15/09/2020 à 14h48, mis à jour le 15/09/2020 à 17h26