Sénégal: un système carcéral à l’agonie

Maison d'arrêt de Rebeus

Maison d'arrêt de Rebeus. DR

Le 03/09/2019 à 11h12, mis à jour le 03/09/2019 à 12h16

Le décès, cette semaine non encore élucidé, d’un septuagénaire à la Maison d’arrêt et de correction de Diourbel, et de deux détenus, dans des conditions troubles, à la prison de Reubeuss, relance le débat autour des conditions de détention.

Depuis plusieurs années, l’état des maisons d’arrêt et de correction (Mac) est dénoncé par les ONG de défenses des droits de l’homme et les proches des détenus.

La semaine dernière, trois détenus sont décédés dans des conditions encore non élucidées dans deux prisons différentes. Deux seraient morts par électrocution à la prison centrale de Dakar, alors qu’un troisième est décédé à Diourbel.

Cela a poussé le ministre de la Justice à écourter ses vacances et à effectuer une visite à Rebeuss, la fameuse maison d’arrêt et de correction de Dakar. Dans une déclaration théâtrale, Malick Sall, le garde des sceaux, a affirmé que les prisonniers l’avaient applaudi pour montrer leur joie, ajoutant être très satisfait des conditions de détention des prisonniers.

Des propos qui contrastent avec le quotidien des détenus que ne cessent de dénoncer les anciens pensionnaires des prisons et les ONG.

Rebeuss, construite durant la période coloniale, était prévue pour 800 personnes. Elle en compte, au bas mot, 3000 actuellement, d’où des conditions contraires aux règles élémentaires de droits de l’homme.

Cette situation est liée à l’absence de nouvelles structures pénitentiaires. Pratiquement, l’ensemble des prisons du pays ont été construites dans la période coloniale. Alors que la population carcérale suit naturellement la croissance démographique.

Dans la foulée de sa visite, le ministre de la Justice a annoncé l’ouverture, dans les deux prochains mois, d’une prison flambant neuve à Sébikotane, à une quarantaine de kilomètres de Dakar.

Mais les propos du ministre de la justice sont considérés par les dirigeants des organisations de défense des Droits de l’Homme comme de la poudre aux yeux. D’autant que l’annonce de l’ouverture de cette prison avait été faite dès 2013, par le Premier ministre d’alors Aminata Touré.

Les leaders d’opinion comme Barthélémy Diaz, maire de la commune de Mermoz Sacré-cœur et l’activiste Guy Marius Sagna, qui ont eu droit à un séjour carcéral, sont unanimes sur la question.

Selon eux, "il devrait y avoir un minimum de respect de la dignité humaine et de garantie de la sécurité des détenus dans les Mac", ce qui n’est malheureusement pas le cas.

"Les personnes en détention préventive passent illégalement trop de temps dans les prisons", selon le Rassemblement africain de défense des droits de l’homme (Raddho). Plusieurs dizaines de personnes sont détenus plus de 10 ans en prison, sans avoir été jugées. En 2010, les ONG avaient dénombré 31 prisonniers dans ce cas. Des centaines d’autres sont détenus préventivement sans procès pendant plus d’une année.

Des proches du ministre de la Justice ont laissé entendre que le Sénégal allait adopter le bracelet électronique, afin de réduire le nombre de personnes en détention préventive ou de soulager les prisons des détenus condamnés à courte peine. Il est également question d’adopter la comparution immédiate et d’introduire des peines de travaux d’utilité publique.

Cependant pour l’heure, il ne s’agit de que promesses.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 03/09/2019 à 11h12, mis à jour le 03/09/2019 à 12h16