Sénégal: le Covid-19 augmente la vente des deux roues et fait l’affaire des livreurs

Un jeune livreur à moto

Un jeune livreur à moto. Dr

Le 06/06/2020 à 16h54, mis à jour le 06/06/2020 à 16h55

Le Covid-19 n’a pas semé que du malheur sur son passage. Les services de livraison payante tirent le plus grand profit de cette pandémie qui a économiquement affecté plusieurs autres secteurs. Reportage

Il est midi au mythique marché Sandaga de Dakar, sur l’avenue Blaise Diagne. Dans ce silence révélateur d'une circulation réduite à sa plus simple expression: une voiture particulière par ci, un autocar par là ou un véhicule de livraison. Alors qu'on était habitué à un concert de klaxon et à une forte pollution à cause des gaz d'échappement. Ce jeudi 4 juin 2020, rien de tout cela.

Un vrombissement attire l'attention des passants. C'est Pierre, avec qui nous avions rendez-vous, qui vient d’arriver sur sa moto de marque KTM. Un modèle plutôt léger, plus connu au Sénégal sous le nom de moto Jakarta, et qui sert aussi bien au transport individuel que comme moto-taxi dans les régions de l'intérieur du pays, comme à Thiès ou à Kaolack.

Les gants bien serrés, le masque de confection artisanale lui couvrant le nez et la bouche, rendent le jeune homme, un peu moins de la trentaine, presque méconnaissable. ‘’Suivez-moi’’, nous lance-t-il après un bref salut. La reconversion de Pierre Pierre est ce qu’on peut appeler un impacté du Covid-19. Titulaire d’un master en tourisme, il travaillait dans un hôtel, jusqu’à ce que le virus vienne le mettre en chômage technique. "Mon employeur n’a pas respecté les 70% de salaire qu’il devait me remettre mensuellement en me demandant de rester chez moi. Avec ma moto qui me servait de moyen de locomotion pour me rendre à mon travail, je me suis reconverti en livreur", explique-t-il. Etre livreur n’a pas été difficile pour lui, qui avait déjà un excellent carnet d’adresses. Aujourd’hui, il dit se faire entre 15 et 20.000 francs CFA par jour, soit 25 à 30 euros. Deux fois plus que ce qu’il gagnait, charges de carburant déduites. Il nous invite à montrer à l’arrière de sa moto pour une course que lui a demandé de faire un client.

Arrivé devant un supermarché, notre livreur s’occupe du ravitaillement d’un de ses clients. Il sort sa liste, achète et vérifie qu’il ne manque rien. L’argent lui a été envoyé par Orange Money. Quelques fois, il fait ses achats avec son argent et n’est payé qu’à la livraison.

Un risque qu’il ne prend que s’il connaît déjà le client et son lieu de résidence: "La livraison a ses risques, il peut arriver, que la personne ne réponde plus au téléphone, ou rejette le produit acheté pour elle. Mais certains de mes clients, que je connais déjà, ne me causent jamais ce genre de problème". Beaucoup de jeunes s'y sont mis Au Sénégal et dans ce contexte de Covid-19, Pierre est loin d’être le seul à s’être adapté à la situation. Si lui est un particulier qui vit sa reconversion au jour le jour, des entreprises de services ont tout simplement changé leur offre: c’est le cas de Rapidos, connu pour la traversée des autoroutes à péage. Avec son service de cartes prépayées, elle faisait éviter aux usagers les longues files d’attente devant les guichets. Depuis la fermeture de plusieurs axes autoroutiers, les affaires ont cessé de marcher. Comme le dit l’adage, "une entreprise doit savoir s’adapter pour survivre".

Aujourd’hui Rapidos est un service de livraison avec des partenariats avec la grande distribution, les restaurants et les fast foods les plus connus du pays. Ses livreurs bénéficient d’autorisations de circuler, les clients peuvent passer leurs commandes et être livrés a toute heure.

Dernièrement, la société a lancé une vaste campagne de recrutement, avec 5000 jeunes enrôlés comme livreurs et préparateurs de commandes. Une activité qui en a relancé une autre: la vente de deux roues.

La vente des motos explose

Qu’elles soient neuves ou d’occasion, les motocyclettes se vendent bien en ce moment au Sénégal. Sur l’avenue Blaise Diagne, le magasin Thiam et frères a épuisé son stock depuis le mois de mars. Selon son gérant, Idy Thiam, 122 scooters ont été vendus en une journée à une compagnie de livraison.

Des motos vendues entre 350 et 600.000 francs CFA. "Aujourd’hui, il ne me reste que des pièces détachées." Il a fait de la revente de véhicules achetés à la concurrence quand son stock s'est épuisé, mais "cela n’a pas duré", puisque ses fournisseurs, à leur tour, ont bénéficié de la forte demande.

A la question de savoir où s'équiper en deux roues, il nous indique la Sénégalaise de l’automobile, tout en précisant que leur clientèle était plutôt faite de jeunes ou de professionnels qui s’achetaient une moto pour leurs déplacements.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 06/06/2020 à 16h54, mis à jour le 06/06/2020 à 16h55