Nommé ministre du Tourisme lundi soir, Trabelsi, 56 ans, est de longue date un défenseur passionné de la cohabitation entre juifs et musulmans en Tunisie.
Il est le troisième homme de confession juive à accéder au poste de ministre, plus d'un demi-siècle après Albert Bessis (1955) et André Barouch (1956), dans un pays qui comptait alors une centaine de milliers de citoyens juifs, contre 1.500 aujourd'hui.
"Le fait qu'il ne soit pas un ministre musulman est très positif pour l'image du pays, c'est un symbole que nous soutenons", s'est félicitée Mouna Ben Halima, secrétaire générale adjointe de la Fédération tunisienne des hôteliers.
Elle a dit espérer que cela "ne s'arrête(rait) pas à la symbolique".
Six décennies et plusieurs vagues d'émigration ont passé depuis l'indépendance de la Tunisie, en 1956, et la majorité de la petite communauté juive actuelle se trouve à Djerba, d'où est lui-même originaire Trabelsi.
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C'est aussi là que se trouve la célèbre "Ghriba" --présidée par le père de René Trabelsi, Perez--, la plus ancienne synagogue d'Afrique où convergent chaque année des pèlerins du monde entier, au 33e jour de la Pâque juive.
Pilier de sa communauté, René Trabelsi supervise depuis des années l'organisation de ce pèlerinage, pour lequel la fréquentation est repartie à la hausse après avoir subi l'insécurité: un attentat-suicide au camion piégé, revendiqué par Al-Qaïda, y avait fait 21 morts en 2002. Puis la fréquentation avait pâti des attentats jihadistes ayant visé des touristes en 2015.
Face à l'épreuve, le jovial quinquagénaire avait clamé la nécessité de maintenir le pèlerinage à flots.
"Tous ces pèlerins qui acceptent de venir malgré (...) les restrictions sur la Tunisie, je pense qu'ils sont courageux et ils montrent leur amour envers la Tunisie et la Tunisie le leur rend bien", avait-t-il déclaré lors du pèlerinage du printemps 2017.
"On n'a jamais coupé le cordon, on a tenu bon. Il y a un réel attachement", s'était-il félicité face aux premiers signes d'embellie.
Débuts politiques
Si son nom avait déjà circulé plusieurs fois pour le ministère du Tourisme, Trabelsi ne s'était jusque-là jamais aventuré en politique.
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Interrogé en 2017 par la chaîne de télévision Hiwar Ettounsi sur l'éventualité de rejoindre un parti pour participer au gouvernement, il avait affirmé: "On a trop de partis politiques, mais s'il y avait un parti unique qui s'appellerait +Tunisie+, au sein duquel tout le monde travaille ensemble main dans la main, alors j'envisagerais de le rejoindre".
En mai dernier, lorsqu'un artisan juif de Monastir s'était présenté aux municipales sur une liste du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, Trabelsi avait estimé que cette candidature était "une fierté pour la communauté (juive), même s'il ne représente que lui-même".
"Elle a donné une belle image de la Tunisie ouverte qu'on veut partager", avait-il dit à l'AFP.
"Quelques mois"?
Les spécialistes tunisiens du tourisme ont eux salué l'arrivée à la tête du ministère d'un professionnel du secteur.
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Après avoir quitté Djerba à la fin du lycée, Trabelsi a fait des études de gestion en France, où il a fondé dans les années 1990 un tour opérateur, "Royal First Travel" (RFT). RFT transporte aujourd'hui 300.000 voyageurs par an, majoritairement de la France vers la Tunisie, selon des sites spécialisés.
Père de trois enfants, Trabelsi vit entre Paris, Djerba et Tunis, où il a par ailleurs eu des fonctions au sein de la fédération de l'hôtellerie.
"C'est quelqu'un qui connaît tous les hôteliers, nous espérons une approche plus créative, moins rigide, et un travail de fond avec le ministre des Transports" pour libéraliser l'aérien, a réagi Mme Ben Halima, de la Fédération des hôteliers.
Elle a toutefois déploré qu'avec l'approche des législatives et présidentielle de 2019, le voyagiste et nouveau ministre ne soit probablement en poste que pour "quelques mois".