Depuis la pandémie de Covid-19, le tourisme africain a prouvé qu’il était loin d’être une industrie marginale ou secondaire. D’après le World Tourism Barometer de l’ONU Tourisme, l’Afrique a enregistré au premier semestre 2025 une croissance de 12% des arrivées internationales, la plus rapide au monde, bien au-delà de toute autre région. Avant même cela, les chiffres avaient commencé à surprendre les observateurs. En 2023, le continent avait déjà récupéré près de 96% de ses recettes touristiques d’avant la pandémie, avec des destinations comme la Tanzanie, Maurice ou le Maroc affichant des performances bien supérieures à ces niveaux de référence.
Ce redressement, qui se prolonge en 2025, illustre à quel point le secteur a su transformer un choc inouï en une dynamique de croissance robuste. Il n’est plus seulement question de retrouver des niveaux d’avant 2020, mais de dépasser les attentes en termes de fréquentation et de recettes. La progression des arrivées internationales place l’Afrique dans une trajectoire qui semblait, il y a quelques années encore, hautement improbable.
Cette dynamique ne se limite pas à un simple rebond. Elle s’inscrit dans une transformation profonde du rôle du tourisme dans les économies africaines. Selon les données compilées par ONU Tourisme, le continent a attiré depuis 2019 plus de 105 projets touristiques «greenfield» d’un montant total de 6,6 milliards de dollars, générant plus de 15.100 emplois directs.
Cette montée en puissance s’accompagne d’un élargissement du périmètre économique du tourisme. Le tourisme ne se contente plus d’être une activité saisonnière ou périphérique mais devient un vecteur de transformation économique. À ce titre, ce secteur contribue désormais à une part importante des exportations de services dans plusieurs économies africaines, jouant un rôle de plus en plus décisif dans les équilibres commerciaux nationaux.
La montée du tourisme international est également corrélée à l’accélération des investissements étrangers, qui voient dans les destinations africaines non seulement une opportunité de rentabilité, mais aussi un levier pour capter la valeur ajoutée locale.
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Derrière ces chiffres globaux se dessinent des trajectoires nationales très diversifiées. Des pays comme le Maroc, fort de son positionnement géographique et de sa stratégie d’ouverture aérienne, ont récemment battu leurs records d’affluence touristique, enregistrant plus de 17 millions de visiteurs en 2024, soit une hausse de 20% par rapport à 2023, tout en consolidant une contribution significative au PIB national.
Autre exemple, le Rwanda voit le tourisme devenir sa principale source de devises, soutenu par une politique proactive de développement de l’écotourisme et d’accueil d’événements internationaux, avec plus d’un million d’arrivées, et plus de 10% de contribution au PIB en 2024.
En Afrique australe, des destinations comme Cape Town accentuent leur attractivité, avec plus de 2,4 millions de visiteurs en 2024 et un tourisme représentant près de 10% du PIB régional, renforçant la compétitivité de l’industrie dans des zones à forte valorisation des ressources naturelles. Ces succès sont un révélateur des opportunités endogènes et de la capacité des économies africaines à valoriser leurs atouts – biodiversité exceptionnelle, cultures diversifiées, littoraux et paysages spectaculaires – dans un marché mondial du tourisme en pleine mutation.
Des opportunités économiques multiples et profondes
Au-delà des chiffres de fréquentation, le tourisme en Afrique génère des opportunités économiques structurelles majeures. Il s’agit tout d’abord d’une source importante d’emplois directs et indirects : selon plusieurs études récentes, le secteur pourrait générer plusieurs millions de postes supplémentaires d’ici la fin de la décennie si les conditions d’investissement et d’intégration des chaînes de valeur sont améliorées.
Les investissements dans les infrastructures aériennes et hôtelières, les transports intérieurs ainsi que dans des produits touristiques innovants– allant du MICE (Meetings, Incentives, Conferences and Exhibitions) aux circuits culturels ou au tourisme écologique– s’imposent comme des vecteurs d’intégration régionale et de création de richesses. C’est un changement de cap, qui dépasse la simple logique de croissance des arrivées internationales pour intégrer des considérations de productivité, de durabilité et de liens avec d’autres secteurs économiques.
Ces opportunités trouvent d’ailleurs un écho dans l’intérêt croissant des investisseurs internationaux, prêts à s’engager dans des projets structurants. Cela reflète une perception renouvelée du continent, considéré non plus comme un marché marginal, mais comme un terrain de croissance stratégique pour les acteurs mondiaux du tourisme.
Toutefois, cette montée en puissance n’est pas sans défis. L’un des plus préoccupants est la distribution inégale des bénéfices économiques du tourisme, notamment dans le segment du tourisme de luxe. Comme le soulignent des recherches récentes, ce modèle souvent promu comme «haut de gamme et à faible impact» ne bénéficie pas toujours aux communautés locales. Les grandes structures hôtelières internationales tendent à capter une grande partie des recettes, tandis que les emplois créés restent souvent peu qualifiés et mal rémunérés, alimentant des tensions autour des questions foncières et sociales dans certaines zones.
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Par ailleurs, la faiblesse de certaines infrastructures de base – routes, transports, services numériques – continue de limiter l’intégration de certaines destinations dans les circuits internationaux. De même, la connectivité aérienne, bien qu’en amélioration, reste un goulot d’étranglement pour renforcer significativement la compétitivité africaine face à d’autres régions du monde.
Cependant, ces limites sont aussi des leviers de transformation dans un contexte où la demande mondiale cherche de plus en plus d’expériences authentiques, durables et responsables, l’Afrique peut capitaliser sur ses richesses naturelles et culturelles. Les initiatives en faveur d’un tourisme plus inclusif, orienté vers le développement local et l’innovation, témoignent d’une volonté de dépasser les modèles traditionnels pour construire un tourisme résilient et bénéfique à long terme.




