L’IA en Afrique: ces secteurs économiques qui pourraient générer 580 milliards de dollars d’ici 10 ans

L'intelligence artificielle pourrait ajouter jusqu’à 1 000 milliards de dollars au PIB de l’Afrique d'ici 2035.

Le 25/12/2025 à 15h43

L’intelligence artificielle pourrait ajouter près de 1.000 milliards de dollars à l’économie africaine d’ici à 2035. Mais cette promesse ne repose pas sur une diffusion uniforme. Selon le rapport Africa’s AI Productivity Gain, cinq secteurs concentrent à eux seuls près de 58% des gains attendus d’une valeur de 580 milliards de dollars. Agriculture, commerce, industrie, finance et santé dessinent ainsi la cartographie d’une transformation productive conditionnée par l’IA.

L’intelligence artificielle n’est pas présentée comme une rupture abstraite, mais comme un facteur d’amplification de dynamiques déjà à l’œuvre. Le rapport «Africa’s AI Productivity Gain» de la Banque africaine de développement estime que, dans un scénario de déploiement coordonné, l’IA pourrait générer environ 580 milliards de dollars de gains cumulés dans cinq secteurs prioritaires, sur un total de 1.000 milliards attendus pour l’ensemble de l’économie africaine à l’horizon 2035.

Cette concentration sectorielle s’explique par une méthodologie combinant trois critères : le poids économique actuel des secteurs, leur degré de maturité numérique et leur capacité à produire des effets inclusifs sur l’emploi, la productivité et l’accès aux services essentiels. Loin d’un classement théorique, cette hiérarchisation reflète des réalités économiques tangibles.

Cependant, avec 20% des gains attendus, soit près de 200 milliards de dollars, l’agriculture apparaît comme le principal réservoir de valeur ajoutée liée à l’IA sur le continent. Ce positionnement s’explique par le paradoxe structurel du secteur : une contribution centrale à l’emploi et à la sécurité alimentaire, combinée à une productivité historiquement faible.

Le rapport souligne que l’intelligence artificielle intervient principalement comme un outil de réduction des asymétries d’information. En exploitant les données climatiques, satellitaires et agronomiques, les algorithmes permettent d’anticiper les aléas, d’optimiser l’usage des intrants et de réduire les pertes post-récolte, qui dépassent encore 30% dans certaines régions africaines .

L’enjeu n’est pas l’automatisation du travail agricole, mais l’amélioration de la prise de décision à chaque maillon de la chaîne de valeur. La BAD insiste sur le caractère inclusif de ces gains, dans un secteur où les femmes représentent une part significative de la main-d’œuvre et où les marges de progression demeurent considérables.

Dans le détail, le commerce de gros et de détail capterait 14% des gains, soit environ 140 milliards de dollars, selon le rapport. Ce chiffre reflète l’importance stratégique d’un secteur dominé par l’informel, mais profondément ancré dans la vie économique quotidienne.

Ainsi, l’IA agit ici comme un vecteur de formalisation progressive. Et en analysant les flux de ventes, les habitudes de consommation et les chaînes logistiques, elle permet d’optimiser les stocks, de réduire les ruptures d’approvisionnement et d’intégrer progressivement les petits commerçants dans des écosystèmes numériques plus larges. Le rapport souligne que ces améliorations ont un impact direct sur les revenus, la résilience financière et l’accès au crédit des micro-entrepreneurs .

Cette dynamique est particulièrement visible dans les zones urbaines à forte densité commerciale, où la digitalisation des paiements et la collecte de données transactionnelles constituent un socle opérationnel déjà existant.

L’IA catalyseur de l’Industrie 4.0

Le secteur manufacturier et l’industrie 4.0 représentent 9% des gains attendus, soit près de 90 milliards de dollars. Ce poids relatif plus modeste masque néanmoins un rôle stratégique central dans les trajectoires d’industrialisation africaine. Selon le rapport, l’IA intervient principalement dans l’optimisation des processus productifs notamment la maintenance prédictive, le contrôle qualité automatisé, la gestion énergétique intelligente et la modélisation numérique des chaînes de production. Ces applications permettent de réduire les coûts opérationnels, d’améliorer la fiabilité des équipements et d’aligner la production locale sur les standards internationaux .

La BAD souligne que ces gains sont particulièrement critiques pour les économies cherchant à renforcer leur base industrielle sans disposer d’un avantage comparatif sur les coûts salariaux. L’IA devient alors un instrument de compétitivité plutôt qu’un facteur de substitution du travail.

Avec 8% des gains, soit environ 80 milliards de dollars, la finance constitue un levier transversal de la transformation économique. Le rapport insiste sur le rôle structurant de l’IA dans des systèmes financiers africains déjà largement digitalisés, mais encore fragmentés.

Quant aux algorithmes, ils permettent d’élargir l’accès au crédit en exploitant des données alternatives issues des usages mobiles, des historiques de paiement ou des comportements transactionnels. Cette capacité à évaluer le risque en dehors des canaux bancaires traditionnels favorise l’inclusion financière des populations jusque-là exclues, en particulier les travailleurs informels et les petites entreprises .

Au-delà du crédit, l’IA améliore la détection de la fraude, accélère les procédures de conformité et réduit les coûts de transaction, contribuant ainsi à renforcer la confiance dans les systèmes financiers numériques.

Le secteur de la santé et des sciences de la vie concentre 7% des gains, soit environ 70 milliards de dollars. Ce poids économique relativement limité est compensé par un impact social majeur. Selon la BAD, l’IA joue un rôle d’amplification des capacités médicales existantes, notamment dans des contextes marqués par une pénurie de personnel de santé et des infrastructures inégalement réparties. Les outils d’aide au diagnostic, de triage des patients et de gestion des stocks pharmaceutiques contribuent à améliorer l’allocation des ressources et la qualité des soins, en particulier dans les zones rurales .

Le rapport souligne également les enjeux de gouvernance des données de santé et la nécessité d’une régulation adaptée pour garantir l’équité et la protection des patients.

Pris ensemble, ces cinq secteurs représentent près de 58% des gains totaux liés à l’IA, confirmant que la transformation numérique africaine passera d’abord par les activités les plus proches des besoins fondamentaux: se nourrir, commercer, produire, financer et se soigner.

La Banque africaine de développement insiste sur le caractère systémique de ces effets. Les gains de productivité agricoles renforcent les chaînes commerciales, qui stimulent la logistique, la finance et l’industrie, tandis que l’amélioration des systèmes de santé soutient la productivité globale de la main-d’œuvre .

Par Mouhamet Ndiongue
Le 25/12/2025 à 15h43