Les déficits publics abyssaux de nombreux pays africains et les politiques d’investissements notamment dans les infrastructures, poussent de plus en plus de pays africains à recourir à l’endettement extérieur, à l’instar d’autres pays émergents et en développement du monde.
Une option qui se traduit par une hausse continue de la dette extérieure de presque tous les pays du continent, à quelques exceptions près, au cours de ces dernières années, malgré les importantes sorties sous forme de remboursement des services de la dettes (principal et intérêt) qui sont beaucoup plus importants que les montants empruntés.
Rappelons en premier lieu que la dette extérieure, sommes dues à des prêteurs étrangers publiques et privés (États, institutions internationales, entreprises, particuliers), à long ou court terme (délai maximum d’un an), garanties et non garanties, des États n’est pas l’apanage des pays africains.
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Les pays les plus endettés au monde sont ceux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui sont les plus riches de la planète. En dehors de ces pays, l’endettement extérieur mondial ressort à 8.937 milliards de dollars à fin 2024, selon un rapport de la Banque mondiale. Sur ce montant, la dette extérieure des pays africains s’établit autour de 1.200 milliards de dollars, en hausse de 4%, soit 13,43% de la dette extérieure mondiale, hors OCDE.
Celle des pays d’Afrique subsahariens est de 900 milliards de dollars, le reliquat étant contracté par les pays d’Afrique du Nord.
A titre de comparaison, la Chine affiche une dette extérieure de 2.420 milliards de dollars. Toutefois, avec un Produit intérieur brut (Pib) de 18.740 milliards de dollars en 2024, contre seulement autour de 3.400 milliards de dollars pour tout le continent africain, ce dernier représente un taux d’endettement extérieur (35,29%) beaucoup plus élevé que celui de L’Empire du milieu (12,91%).
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En ce qui concerne la structure des prêteurs, il faut souligner que les emprunts publics bilatéraux et multilatéraux représentent autour de 62% de la totalité de la dette extérieure africaine. Toutefois, cela varie d’un pays à un autre. Ainsi, alors que 99% de la dette extérieure de la RD Congo est d’ordre multilatérale (62%) et bilatérale (37%), contre seulement 1% de dette d’ordre privé, pour l’Afrique du Sud, la dette extérieure représente 87% du stock.
A noter que les emprunts publics sont assujettis à des taux beaucoup plus bas comparativement aux prêts privés. En plus, les emprunts publics bénéficient souvent de conditions préférentielles (prêts concessionnels) avec de faibles taux d’intérêt.
Les principaux créanciers multilatéraux et bilatéraux du continent sont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Banque africaine de développement la Chine… Quant à la dette privée, elle est largement dominée par les emprunts sur le marché obligataire international.
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Ensuite, il faut également souligner que l’endettement extérieur n’est pas en soi mauvais à condition d’en faire bon usage afin d’induire des effets positifs sur la croissance et le développement. En revanche, cette dette extérieure ne doit pas constituer un fardeau pour les générations futures et les finances publiques, comme c’est le cas actuellement pour de nombreux pays africains.
Pour se rendre compte du poids réel de la dette extérieure, les pays d’Afrique subsaharienne sont un bon exemple. Celle-ci représente 49,5% du Revenu national brut (RNB = PIB + Revenus primaires reçus du reste du monde - Revenus primaires versés au reste du monde) et 164% de la valeur des exportations de la région.
En outre, le recours de plus en plus fréquent à la dette privée augmente les coûts de la dette à cause des taux d’intérêt plus élevés, surtout durant les périodes des taux directeurs élevés, comme ce fut le cas après le déclenchement de la guerre Russie-Ukraine et l’inflation mondiale qui a suivi, poussant les banques centrales à rehausser leur taux directeur pour juguler l’inflation.
Conséquence de cet endettement extérieur croissant et du recours grandissants à la dette privée, les services de la dette de nombreux pays ont flambé contribuant à étrangler les finances publiques de nombreux pays.
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D’ailleurs, pour de nombreux pays du continent, le service de la dette pèse sur le budget. A titre d’exemple, le service de la dette à long terme de l’Egypte s’est établi à 24,5 milliards de dollars en 2024. Ce qui est énorme pour les finances publiques. C’est le cas également de l’Angola dont le service de la dette a atteint 10 milliards de dollars en 2024 alors que sa dette extérieure ne s’établit qu’à environ 59 milliards de dollars.
En affectant autant de ressources au remboursement de la dette (principal et intérêts), les pays consacrent moins de ressources budgétaires aux investissements publics et sociaux (santé, éducation,…). De plus, ces sorties de devises réduisent les réserves de change du pays.
Au-delà, la dette extérieure africaine reste fortement concentrée sur une poignée de pays. Globalement, ce sont les grandes économies du continent qui en concentrent l’essentiel. Sur les 1.200 milliards de dollars de stock à fin 2024, 808 milliards de dollars sont détenus par seulement dix pays qui concentrent plus de 80% du stock de la dette extérieure du continent.
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C’est l’Afrique du Sud qui est le pays le plus endetté vis-à-vis de l’extérieur avec un stock de 175,90 milliards de dollars de créances dont 153 milliards de dollars contractés auprès du privé. Un volume qui représente 127% de ses exportations et 45% de RNB. A cause du montant de la dette et de la domination de la part des créanciers privés, le service de la dette du pays s’est élevé à 19 milliards de dollars en 2024.
Le stock de la dette extérieure mondiale (hors pays de l'OCDE) s'est établi à fin 2024 à 8937 milliards de dollars.
L’Afrique du Sud devance l’Egypte (156 milliards de dollars), le Nigeria (109 milliards de dollars), le Mozambique (70 milliards de dollar), le Maroc (68 milliards de dollars), l’Angola (59 milliards de dollars), le Sénégal (47 milliards de dollars), le Kenya (43 milliards de dollars), la Côte d’Ivoire (40,56 milliards de dollars) et la Tunisie (40,46 milliards de dollars).
Dette extérieure et service de la dette des 10 pays les plus endettés vis-à-vis de l’extérieur (en milliards de dirhams)
| Pays | Stock de dette extérieure | Dette extérieure privée | Dette extérieure publique | Service de la dette |
|---|---|---|---|---|
| Afrique du Sud | 175,89 | 153,02 | 22,86 | 19,02 |
| Egypte | 156,00 | 60,84 | 98,16 | 24,50 |
| Nigeria | 108,76 | 43,52 | 65,24 | 10,27 |
| Mozambique | 69,76 | 6,97 | 62,79 | 4,47 |
| Maroc | 68 | 25,2 | 42,80 | 7,01 |
| Angola | 58,73 | 35,80 | 16,44 | 9,98 |
| Sénégal | 47,15 | 18,86 | 28,29 | 2,93 |
| Kenya | 42,90 | 8,15 | 34,73 | 5,40 |
| Côte d’Ivoire | 40,56 | 19,87 | 20,68 | 4,50 |
| Tunisie | 40,46 | 4,85 | 35,60 | 3,86 |
Source: tableau confectionné à partir des données de la Banque mondiale
Les trois pays les plus endettés vis-à-vis de l’extérieur -Afrique du Sud, Egypte et Nigeria- ont cumulé des services de dette dépassant 53,77 milliards de dollars, qui attestent de l’impact de cet endettement extérieur sur les finances publiques.



















