Voyages. Caïmans sacrés, vestiges de la traite négrière, nature sauvage... Malgré sa diversité, les touristes boudent l’Afrique de l’Ouest

Des sites touristiques en Afrique de l'ouest.

Le 19/07/2025 à 11h15

Les pays de l’Afrique de l’Ouest attirent moins de 10 millions de touristes par an. Pourtant, les potentialités y sont énormes: vestiges du trafic d’esclaves, plages aux eaux cristallines, nature pure comme au premier matin de la vie. Voici quelques-uns des sites incontournables du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Ghana et du Bénin.

Stations balnéaires, faune et flore exceptionnelles, fortifications de l’ère du commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique et qui constituent des lieux de pèlerinage pour les diasporas africaines… les pays d’Afrique de l’Ouest regorgent de sites touristiques à même d’en faire des destinations de premier plan. Grâce à leur proximité avec l’Europe et l’Amérique, des niches touristiques pourraient y être développées comme le tourisme de mémoire qui attire annuellement plusieurs milliers de visiteurs.

Ces pays peuvent également mettre à profit leurs plages exceptionnelles pour développer le balnéaire. Idem pour la nature. Berceau de la vie, l’Afrique est peuplée d’une faune et d’une flore riches qui peuvent constituer une alternative aux safaris pratiqués dans les pays de l’Est du continent.

Cependant, malgré ces atouts, l’Afrique de l’Ouest est une région qui reçoit peu de touristes. Annuellement, leur nombre ne dépasse pas les 10 millions. Les principaux pays bénéficiaires sont la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Sénégal et le Bénin.

Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour expliquer ce faible attrait. Outre la faiblesse des connexions aériennes avec les pays émetteurs, la faiblesse des infrastructures d’accueil, l’insécurité notamment au Sahel, et la quasi inexistence de campagnes de promotion de ces destinations font que malgré les potentialités importantes, la région peine à attirer les touristes.

Loin d’être exhaustive, vois la liste des sites touristiques à visiter dans quatre pays de la région ouest-africaine.

Sénégal: mémoire, balnéaire et nature

En 2023, le Sénégal a accueilli 1,83 million de touristes, faisant du pays l’une des premières destinations d’Afrique de l’Ouest. Le pays de la Teranga table sur une forte augmentation des touristes grâce à une stratégie ciblant de nouveaux marchés, notamment américain et canadien, à travers le développement des infrastructures et la mise en place de facilités de paiement.

Le Sénégal se présente comme une mosaïque de paysages qui témoignent de sa richesse naturelle, culturelle, mémorielle. Chacune de ces principales destinations offre une expérience unique.

Gorée: l’ile-mémoire des esclaves

L’île de Gorée, située dans la baie de Dakar, est un lieu symbolique de la mémoire de la traite négrière en Afrique, reconnue officiellement par l’Organisation des Nations unies en 1978. Gorée, surnommée l’«île-mémoire» de cette tragédie, a été l’un des tous premiers lieux à être portés sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Gorée incarne à la fois le devoir de mémoire et le défi de la transmission d’un passé douloureux.

À Gorée, la Maison des esclaves est le passage obligé des touristes, notamment ceux de la diaspora d’origine africaine dispersée un peu partout dans le monde, mais aussi des personnalités comme le pape Jean-Paul II qui s’est rendu sur l’ile en 1992 et l’ancien président américain, Barack Obama.

Gorée abrire le Musée historique rattaché à l’Institut fondamental d’Afrique noire qui occupe l’ancien fort d’Estrées consacré à l’histoire générale du pays, des origines à l’indépendance. L’ile compte aussi dans son patrimoine l’ancienne École William-Ponty qui a été de 1913 à 1937 l’École normale fédérale de l’Afrique occidentale française. Cette école formé plusieurs présidents et cadres africains, avant d’être transférée à Sébikotane.

Station balnéaire de Saly: la plus importante de l’Afrique de l’Ouest

La station Saly Portudal, couramment Saly, ancien comptoir portugais surnommé «Porto de Ale» (le port de la bière), a été créée à proximité du village de Saly, en février 1984. La station balnéaire comprend plusieurs complexes situés sur la Petite-Côte. En plus de sa plage bordée de palmiers, parcours de golf, hôtels, villas, restaurants et marché artisanal sont accessibles sur place.

Saly, située sur la Petite-Côte, au sud de Dakar, compte 17 hôtels et 33 résidences pour un total de 10.000 lits. C’est la plus importante station balnéaire de l’Afrique de l’Ouest.

La station balnéaire propose une large gamme d’activités touristiques comme la pêche, le ski nautique, le tennis, la natation, l’équitation, la planche à voile…

Le parc national du Niokolo-koba: sanctuaire de la biodiversité

Situé dans le sud-est du Sénégal, le Parc national du Niokolo-Koba, s’étend sur près d’un million d’hectares. C’est l’un des plus vastes et des plus riches en biodiversité de l’Afrique de l’Ouest avec un forte concentration de toutes les espèces végétales et animales des savanes africaines.

Ce parc, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981, est un véritable refuge pour de nombreuses espèces animales et végétales. Il abrite environ 80 espèces de mammifères: lions, léopards, chimpanzés, hippopotames, crocodiles du Nil, éléphants,… C’est aussi un paradis pour les ornithologues avec plus de 350 espèces d’oiseaux recensées dont des vautours percnoptères, des calaos, des cigognes noires,…

Le parc est traversé par le fleuve Gambie, donnant naissance à des paysages luxuriants et diversifiés, propices aux safaris et à l’écotourisme.

D’autres sites sont aussi à visiter comme le Lac Rose, célèbre pour sa couleur peu répandue pour une pièce d’eau. La capitale Dakar et ses monuments historiques vaut également le détour, le parc des oiseaux de Djoudj et le Delta du Saloum célèbre pour son labyrinthe de mangroves et sa riche biodiversité sont particulièrement recommandés.

Le visiteur peut également se rendre au Cap Skirring dans la région de la Casamance et ses plages de sable fin bordées de cocotiers et de complexes hôteliers…

Côte d’Ivoire. Grand-Bassam: balnéaire et culture

Grand-Bassam, la première capitale de la Côte d’Ivoire, située à une quarantaine de kilomètres à l’Ouest d’Abidjan, est une charmante station balnéaire accessible avec ses longues plages de sable blanc.

Grand-Bassam c’est aussi un patrimoine architectural avec ses bâtisses coloniales dont les plus célèbres se trouvent au Quartier France, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. L’ancienne maison du gouverneur, l’hôtel des postes et d’autres bâtiments historiques font remonter le temps aux années 1900. Son Musée du Costume offre une attraction majeure et permet d’apprécier les tenues traditionnelles des différents peuples de la Côte d’Ivoire.

Accessible depuis Abidjan par une autoroute moderne et par une route bordée de maquis et de boutiques artisanales, Grand-Bassam c’est aussi et surtout une station balnéaire située à une cinquantaine de kilomètres d’Abidjan. Elle est connue pour sa plage exceptionnelle bordée de palmiers. Elle compte de nombreux hôtels, des restaurants, des villages d’artisanat,… Grand-Bassam est une destination balnéaire de rêve.

Yamoussoukro: la monumentale basilique Notre-Dame-de-la-Paix

Capitale de la Côte d’Ivoire depuis 1983, Yamoussoukro, située à 250 km au nord d’Abidjan, est le fief du premier président du pays feu Felix Houphouët-Boigny qui a y entrepris une série de travaux pharaoniques dont la monumentale Basilique Notre-Dame-de-la-Paix, l’une des plus grandes basiliques du monde, construite sur le modèle de la basilique Saint-Pierre de Rome.

Les visiteurs viennent admirer le monument, les grandes fresques murales, les vitraux éblouissants et les nombreuses statues et mosaïques. C’est aussi un lieu de pèlerinage pour les chrétiens locaux qui viennent admirer la calotte supérieure de sa coupole qui culmine à 120 mètres, son diamètre de 90 mètres et son dôme qui se hisse à 150 mètres de hauteur. Construite sur un parc de 37 hectares, la basilique peut accueillir jusqu’à 18.000 fidèles à l’intérieur et 20.000 sur son parvis.

Le lac aux caïmans sacrés d’Houphouët-Boigny

Outre la basilique, le Palais du président et son lac aux caïmans sont à visiter à Yamoussoukro. Le palais abrite le caveau familial dans lequel repose Félix Houphouët-Boigny. Le palais est constitué de la maison des hôtes, des dépendances, d’une chapelle, de lacs artificiels… Un projet vise à transformer le Palais en musée dédié à la mémoire du premier président de la Côte d’Ivoire.

À défaut de visiter le caveau familial qui n’est pas ouvert aux visiteurs, les touristes peuvent se promener le long du célèbre lac du palais pour admirer les 200 caïmans sacrés ayant appartenu à Houphouët-Boigny.

Bénin: mémoire, culture et plages

Le Bénin, à l’instar des autres pays de la région ouest-africaine, dispose de sites tels que les comptoirs de la traite négrière et les sites dédiés au culte vaudou dont l’ancien Dahomey est le berceau et le centre de gravité au niveau mondial. Le pays regorge d’autres sites touristiques à visiter.

Cité lacustre de Ganvié: la Venise africaine

Souvent appelé la «Venise de l’Afrique», Ganvié est un village à nul autre pareil situé sur le lac Nokoué. Pour s’y rendre, il faut aller à Abomey-Calavi puis prendre l’embarcadère.

Créé au XVIIe siècle par le peuple Tofinu pour fuir le royaume de Dahomey, Ganvié est en harmonie avec son cadre aquatique. Sur place, les touristes peuvent admirer la vie quotidienne de cette population et leur méthode traditionnelle de la pêche.

Ouidah: la Porte-de-non-retour

Ouidah, située à une quarantaine de kilomètres de Cotonou, sur le littoral Atlantique, est une destination riche en culture et en histoire. C’est un centre historique exceptionnel qui abrite des bâtiments coloniaux du style afro-brésilien, un musée d’art contemporain, des temples vaudous, un fort du XVIII siècle et la «Routes des Esclaves».

C’est avant tout le royaume du vaudou avec le «Temple des Pythons» vénérés comme des divinités. Ce lieu sacré illustre à lui seul l’importance du culte vaudou dans la région.

Ouidah est aussi et surtout le principal centre d’Afrique de l’Ouest de la traite négrière. C’est un lieu de mémoire qui fait revivre les derniers pas des esclaves avant d’embarquer pour les Amériques.

Le volet touristique de Ouidah est sans doute la «Route des Esclaves», ponctuée de sept étapes clés, bordée de monuments commémoratifs retraçant l’histoire locale et le commerce triangulaire. Cette route de quatre kilomètres de long débute par la «Place Chacha», l’ancien marché des esclaves, et se termine à la «Porte de Non-Retour» au bord de la plage. Elle est jalonnée de lieux hautement symboliques dont l’Arbre de l’oubli, les Cases Zomaï, le Mémorial du souvenir et l’Arbre du retour.

Le visiteur peut également visiter le Musée d’Histoire de Ouidah installé dans un ancien fort portugais datant de 1721. Ce musée renferme une riche collection retraçant l’histoire locale et le commerce triangulaire.

Le parc national de la Pendjari

Situé à l’extrême nord-ouest du Bénin et s’étendant sur 4.700 km2, le parc national de la Pendjari est le plus vaste milieu biologique encore intact d’Afrique de l’Ouest. Cette réserve de la biosphère de l’Unesco offre une vraie immersion au cœur de la savane grâce à sa végétation luxuriante riche de plus de 240 espèces végétales.

Le parc abrite une faune abondante. Les adeptes des safaris peuvent y croiser lions, éléphants, singes, crocodiles, hippopotames, girafes, hyènes, lycaons, chacals, antilopes, buffles… Le parc abrite aussi plus de 400 espèces d’oiseaux et de nombreux reptiles dont les crocodiles du Nil, les agames, le python de Seba et des tortues.

Ghana: mémoire et nature

Le Ghana a accueilli un record de 1,3 million de touristes en 2024, figurant parmi les premières destinations touristiques d’Afrique de l’Ouest. A l’instar du Sénégal et du Bénin, le tourisme de mémoire y occupe une place importante. La côte du pays est parsemée des vestiges de 20 châteaux forts construits à partir du XVe siècle. Ces forts sont uniques par leur nombre au niveau du continent et sont globalement bien conservés et classés sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

La plus ancienne construction européenne en Afrique

Situé à 150 km à l’ouest d’Accra, le Fort de Cape Coast est un ancien comptoir colonial fortifié, fondé au XVe siècle lors des premières expéditions maritimes portugaises. Ce fort, par la suite passé aux mains des Suédois, des Danois et enfin aux Britanniques, a servi de principale base militaire britannique du Golfe de Guinée avant de devenir le haut lieu du commerce du bois et de l’or et plus particulièrement du commerce triangulaire. Cape Coast est connu pour être le plus grand et le important port négrier d’Afrique de l’Ouest.

Le fort est devenu un lieu de commémoration et de voyages éducatifs pour les visiteurs dont de nombreux afro-américains et des membres des diasporas d’origines africaines. Les visiteurs y découvrent les cachots des esclaves, les canons et mortiers utilisés pour la défense du château, les chaînes utilisés pour enchaîner les esclaves, des tambours, d’anciens mousquets, la poterie ancienne…

Le château abrite le musée de l’esclavage et fait partie depuis 1979 des forts de la côte ghanéenne inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. L’ancien président américain Barack Obama et son épouse Michelle l’ont visité en 2009.

Quant au fort d’Elmina (mine en portugais), situé à 12 km à l’ouest de celui de Cape Coast, elle est la plus ancienne construction européenne en Afrique. Elle a été érigée par les portugais en 1482. C’est le premier comptoir commercial construit sur le Golfe de Guinée et la plus ancienne construction européenne qui existe encore aujourd’hui en Afrique. Il a servi à l’acheminement de l’or vers le Portugal avant de servir aussi à la traite négrière.

Le parc national de Kakum

Le parc national de Kakum est situé dans le sud du pays, à 30 km au nord de Cape Coast. Il est connu pour ses célèbres passerelles vertigineuses qui traversent à une quarantaine de mètres au-dessus du sol. Ces plateformes d’observations permettent de se promener dans la canopée et d’observer la faune et la nature luxuriante en toute sécurité, faisant du parc un site d’attraction à ciel ouvert. Il est aussi possible, pour ceux qui ne supportent pas les hauteurs, d’opter pour des randonnées dans la forêt en compagnie d’un guide.

Créé en tant que réserve en 1931 et reconnu parc national en 1991, le parc compte 40 espèces de mammifères, 300 espèces d’oiseaux et plus de 600 espèces de papillons. La faune du parc comprend des buffles, des éléphants, des singes, des hylochères géants, des pangolins, des crocodiles, léopards…

Le parc national de Kakum est un site touristique surprenant et c’est aussi l’un des plus visités du Ghana et de l’Afrique de l’Ouest.

Par Moussa Diop
Le 19/07/2025 à 11h15