Cinq chefs d’État africains bientôt reçus à la Maison Blanche: les raisons du choix de Donald Trump

Le président américain Donald Trump s'adresse aux médias dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le 9 avril 2025, à Washington. 2025 Getty Images

Le 04/07/2025 à 11h24

Dans une première initiative africaine, cinq chefs d’État du continent seront reçus du 9 au 11 juillet par Donald Trump. À première vue, la liste de ces pays pourrait surprendre. Mais à y regarder de plus près, il n’y a rien d’étonnant dans le choix du locataire de la Maison Blanche. Voilà pourquoi.

Les présidents Joseph Boakai du Libéria, Bassirou Diomaye Faye du Sénégal, Mohamed Ould Cheikh el Ghazouani de la Mauritanie, Brice Clotaire Oligui Nguema du Gabon et Umaro Sissoco Embaló de la Guinée-Bissau, seront reçus par leur homologue américain lors de ce qui s’apparente à un mini-sommet USA-Afrique qui tranche avec les grandes rencontres multilatérales habituelles.

Selon Africa Intelligence et Reuters, qui ont donné l’information, précisent que la Maison Blanche ne confirme pas cette information. Toujours est-il, selon ces deux sources, que ces dirigeants africains participeront à un déjeuner officiel avec le président américain le 9 juillet avant que des sessions thématiques suivent durant trois jours.

Il s’agit de la «première initiative africaine» du second mandat de Donald Trump, marquant un changement de cap significatif. L’engagement américain dans le règlement du différend entre la RDC et le Rwanda, couronné par la signature d’un accord de paix à Washington le 27 juin dernier, illustre l’intérêt de la nouvelle administration américaine pour le continent.

Ce premier mini-sommet États-Unis/Afrique sous l’ère Trump sera centré sur les opportunités économiques qui s’ouvrent pour Washington en Afrique notamment dans le secteur des minerais critiques. Les enjeux liés à la sécurité régionale devraient également faire l’objet de concertations.

La nouvelle administration Trump qui a mis fin aux aides publiques au développement mise déormais sur des partenariats commerciaux «gagnant-gagnant».

Donald Trump, selon un responsable de la Maison Blanche cité par Reuters, considère que «les pays africains offrent d’incroyables opportunités commerciales, qui profitent à la fois au peuple américain et à nos partenaires africains». En clair, les dirigeants africains reçus par le président Trump devront comprendre que l’aide publique au développement américaine est finie. Désormais, le maître-mot est «business».

Au cœur des discussions figurera en bonne place l’accès aux minerais africains. L’Afrique regorge de minerais stratégiques dont le lithium, le cobalt, le manganèse, les terres rares… Ces ressources sont indispensables aux chaines d’approvisionnement américaines, notamment pour les filières électroniques et la transition énergétique.

Reste à savoir pourquoi ces cinq pays et pas d’autres. Hormis le Sénégal qui a une présence diplomatique notable, tous les autres pays ne pèsent ni diplomatiquement, ni économiquement sur la balance des relations internationales. Mais à bien des égards, le choix de ces pays n’est pas fortuit.

Globalement, il s’agit de pays riches en minerais stratégiques, ce nouveau nerf de la guerre. Le Liberia est un pays riche en ressources minières: fer, or, diamant, platine, uranium, niobium, nickel, cobalt, étain, plomb, manganèse, bauxite, sables minéraux lourds (rutile et ilménite),…dont une grande partie n’est pas encore exploitée.

La Mauritanie est riche en fer, or, uranium, cuivre, phosphates, plomb, cobalt, graphite, zinc, platine, chrome, manganèse, nickel, vanadium, minéraux industriels, terres rares, zircon, …

Idem pour le Sénégal dont le sous-sol est riche en or, fer, zircon, titan, phosphates, cuivre, chrome, nickel, barytine, minéraux lourds (ilmenite, rutile…), uranium, lithium, étain, molybdène,…

Le Gabon, outre les hydrocarbures, détient d’importantes réserves de manganèse dont il est le deuxième producteur et exportateur africain derrière l’Afrique du Sud. Un minerai très prisé des pays développés -à l’instar du lithium, du cobalt et du nickel- et qui est essentiel à la production d’acier et de batteries. Le Gabon détient les 5e réserves mondiales de manganèse et 2e producteur mondial avec 4,6 millions de tonnes métriques en 2024.

Le sous-sol du pays renferme également d’autres ressources minières: or, uranium, fer, zinc, plomb, phosphates, niobium, potasse, terres rares…Enfin, la Guinée-Bissau est riche en or, phosphates, bauxite, diamants …

Conclusion: les cinq pays retenus pour ce mini-sommet renferment d’importantes ressources minières dont une grande partie n’est pas encore exploitée. Une aubaine pour les Etats-Unis qui dépendant de la Chine, notamment pour tout ce qui concerne les minerais stratégiques et les terres rares.

La Chine a pris le contrôle des mines de la RDC, de la Zambie, du Zimbabwe… Les richesses minières globalement non encore exploitées sont ainsi la cible de Washington.

D’ailleurs, hasard du calendrier, les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie, regroupés au sein du Quad (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité), groupe informel de coopération militaire et diplomatique, ont lancé le 1er juillet 2025 une initiative conjointe baptisée «Initiative quadripartite pour les métaux critiques» visant à sécuriser et diversifier l’accès aux métaux rares.

Les quatre pays ont souligné la nécessité urgente de «renforcer la sécurité économique collective et la résilience industrielle» en s’affranchissant de leur dépendance d’un seul fournisseur mondial, la Chine, sans la nommer.

En effet, plus de 70% des métaux rares mondiaux sont actuellement raffinés en Chine, rendant vulnérables des pans entiers de l’industrie mondiale en général, et américaine en particulier. La récente interdiction par Pékin d’exporter trois minerais rares– galium, germanium et antimoine-, cruciaux pour la fabrication de semi-conducteurs, de technologies infrarouges et armes, a montré le contrôle stratégique de la Chine sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.

La Chine dispose non seulement des ressources minérales, mais contrôle également de nombreuses mines (cobalt, nickel, coltan, cuivre, lithium, manganèse…) en Afrique, notamment en RDC, en Zambie, au Zimbabwe… Pour les États-Unis, les alternatives étaient depuis à l’étude pour sécuriser les approvisionnements et diversifier les partenaires commerciaux.

Ainsi, le potentiel minier énorme des pays de la région pourrait expliquer le choix de la Maison Blanche pour ce premier mini-sommet États-Unis-Afrique.

Cependant, certains de ces pays sont aujourd’hui engagés dans la transformation locale de leurs ressources minières. C’est le cas du Sénégal et du Gabon. Un impératif que les États-Unis devraient prendre en compte pour un partenariat gagnant-gagnant.

Migration clandestine et sécurité

Le volet sécuritaire couvre des domaines variés allant de la lutte contre la migration clandestine à la lutte contre le terrorisme. La lutte contre la migration clandestine, socle du programme de Donald Trump, sera certainement débattue.

En effet, les cinq pays africains invités à la Maison Blanche figurent parmi ceux dont les ressortissants sont sur les listes des migrants à expulser. D’ailleurs, la Mauritanie occupe le 2e rang au niveau africain, des pays comptant le plus grand nombre de citoyens en situation irrégulière aux États-Unis et donc menacés d’expulsion. Sur 41.886 ressortissants africains à expulser, on compte 3.822 mauritaniens, 1.689 sénégalais, 1.563 libériens, 48 bissau-guinéens,…

Les discussions risquent de porter sur l’acceptation de ces pays à recevoir leurs ressortissants expulsés et éviter ainsi de figurer parmi les pays frappés par le «travel ban». Le Gabon, la Mauritanie, le Sénégal et le Libéria figurent sur la dernière liste des pays menacés de restrictions de voyages et qui ont 60 jours pour se conformer aux exigences de Washington.

La sécurité maritime dans le Golfe de Guinée devrait être également débattue pour faire face à la piraterie maritime et garantir le transport maritime et l’approvisionnement sécurisé.

Les Etats-Unis ont montré ces derniers temps des signes pour une réimplication dans certaines régions où le terrorisme est omniprésent, notamment le Sahel.

Après avoir contribué au désengagement américain lors de son premier mandat, Trump semble avoir compris que la nature à horreur du vide: le départ des soldats occidentaux a été comblé par les Russes. Du coup, depuis son investiture, le 20 janvier dernier, il y a comme une amorce de dégel entre les États-Unis et les pays de l’Alliance des États du Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso). Ces pays, en proie au terrorisme, regorgent d’importantes ressources pétrolières, minières et de métaux rares comme le lithium et l’uranium.

Par Moussa Diop
Le 04/07/2025 à 11h24