Présidence de la Commission de l’Union africaine: qui pour succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat?

Les 4 candidats à la présidence de la Commission de l'Union africaine.

Le 08/08/2024 à 15h18

On connait désormais les quatre candidats à la présidence de la Commission de l’Union africaine, tous issus de l’Afrique de l’Est, région pour laquelle est réservée ce poste dans le cadre d’une rotation régionale. Ils partent avec des chances à peu près égales même si certains semblent être mieux positionnés et devenir le 5e président de la Commission. La bataille pour la vice-présidence, réservée à un pays d’Afrique du Nord, s’annonce aussi rude entre l’Algérie et le Maroc.

Le président de la Commission de l’Union africaine est le poste le plus envié de l’institution panafricaine. Dirigé depuis janvier 2017 par le Tchadien Moussa Faki Mahamat, qui doit céder son fauteuil après deux mandats consécutifs. Et après l’Afrique centrale que le Tchadien a représenté, le président de l’exécutif de l’Union africaine doit revenir à partir de février 2025 à l’Afrique de l’Est.

La présidence de la Commission de l’Union africaine est un poste clé pour influencer les politiques continentales et promouvoir la coopération entre les pays africains.

Après la clôture des candidatures au poste du président de la Commission de l’Union africaine le mardi 6 août, l’Union africaine a dévoilé le lendemain les quatre candidats qui ont fait la démarche. Il s’agit du Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf, du Kényan Raila Odinga, du Mauricien Anil Gayan et du Malgache Richard Randriamandrato. En absence de consensus, ces quatre candidats seront départagés par un vote à bulletin secret.

En attendant, chacun des postulants, soutenu par son pays mais également par d’autres Etats, affute ses armes pour bénéficier du maximum de soutiens auprès des 54 pays du continent. L’élection du président de l’organe exécutif de l’Union africaine se fait par vote secret à la majorité des deux tiers des Etats membres ayant le droit de vote. Le candidat élu aura un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois.

Mahamoud Ali Youssouf, ministre des AE depuis 24 ans (Djibouti)

Mahamoud Ali Youssouf, 60 ans, est ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti depuis 2005, est l’un des favoris. Ce fidèle de longue date du président Ismaeil Omar Guelleh, bénéficie du soutien du président djiboutien. Il est l’un des premiers a avoir déclaré son intention de remplacer Moussa Faki Mahamat et a annoncé sa candidature depuis le 9 avril dernier.

L’inamovible ministre des Affaires étrangères djiboutien depuis 24 ans, diplomate aguerri, défenseur convaincu du multilatéralisme et qui dispose d’un carnet d’adresse impressionnant aussi bien au niveau du continent qu’à l’international figure naturellement parmi les favoris. Ce diplomate a un autre atout, il est polyglotte (arabe, français et anglais), ce qui lui permet des échanges faciles avec les dirigeants de presque tous les pays du continent. En outre, Djibouti faisant partie de la Ligue Arabe, le candidat pourra bénéficier du soutien des pays arabes de l’Union africaine. Ce qui n’est pas négligeable lors des votes.

Et si Djibouti est un petit pays d’environ un million d’habitants, sa position géostratégique en fait une «puissance» comme en atteste la présence sur son sol de nombreuses bases militaires: France, Etats-Unis, Chine… conférant au pays une certain statut sur l’échiquier politique international.

La stabilité du continent est la priorité de Mahamoud Ali Youssouf. Dans son programme, il s’est fixé pour priorité de faire avancer le projet «Faire taire les armes» au niveau du continent décidé en 2013 mais qui fait du sur place. Un objectif ambitieux quand on sait que les conflits et tensions sont légion au niveau du continent et entravent son développement.

Raila Ondinga (Kenya): prison, exile, 5 candidatures à la présidence... à 79 ans, il a tout connu

A côté du Djiboutien, Raila Odinga jouit de l’aura d’un opposant depuis des décennies au régime kenyan. Agé de 79 ans, cet opposant aux différents régimes qui se sont succédés à la tête du Kenya et candidat malheureux à cinq reprises à la présidentielle kenyane et qui a connu la prison et l’exil est un candidat sérieux pour le poste de président de la Commission de l’Union africaine. «J’ai signé mes documents de candidature à la présidence de la CUA (Commission de l’UA, ndlr), nous nous concentrons sur le fait de ramener le siège au Kenya et de servir le peuple africain», a écrit Raila Ondinga le 27 juillet sur X.

Pour nombre d’observateurs, Odinga part comme favori. Il peut compter sur la puissance du Kenya et de l’influence diplomatique de ce pays au niveau du continent.

Anil Gayan (Maurice): dure bataille en vue

Agé de 76 ans, l’ancien ministre des Affaires étrangères de l’ile Maurice entre 1983 et 1986 puis entre 2000 et 2003, avant d’occuper d’autres fonctions ministérielles, est candidat au poste de président de la Commission de l’Union africaine. Il est soutenu par Maurice mais devra batailler fort pour obtenir les suffrages des autres pays du continent.

Richard Randriamandrato (Madagascar): limogé, réhabilité puis candidat

C’est le dernier candidat à se manifester en déposant son dossier le mardi 6 août, dernier jour des dépôts des candidatures. L’ancien ministre des Affaires étrangères de Madagascar, limogé en octobre 2022 après avoir voté une résolution de l’ONU condamnant la Russie sans avoir le consentement de son pays, et ancien argentier du pays, semble s’être lancé tardivement à ce poste stratégique.

Il a été désigné par son pays alors que l’ancien président malgache Hery Rajaonarimampianina avait clairement exprimé son désir de briguer le prestigieux poste au sein de l’organisation continental. Certains voient sa candidature comme un barrage à l’ambition de l’ancien président et lui donne peu de chance de briguer la présidence de la Commission.

Six mois pour convaincre

Si les deux premiers candidats partent légèrement favoris, il n’en demeure pas moins que rien n’est joué d’avance. En effet, les 4 candidats retenus ont 6 mois pour faire campagnes auprès des dirigeants des autres pays. En réalité, cela se décide surtout au niveau des dirigeants des pays africains. Et rien n’est joué à l’avance. Et avec 4 candidats, l’élection s’annonce plus ouvert. Pour rappel, en 2017, Mousa Faki Mahamat a été élu avec 39 suffrages sur 54 face à la kenyane Amina Mohamed, ministre des Affaires étrangères et grande favorite du scrutin. Et il aura fallu 7 tours de scrutin pour départager les cinq candidats en lice, à cette époque.

Celui qui sera élu en février prochain sera le 5e président de la Commission, après Alpha Oumar Konaré (Mali), Jean Ping (Gabon), Nkosazana Dlamini Zuma (Afrique du Sud) et Moussa Faki m-Mahamat (Tchad).

Le poste du président de la Commission n’est pas le seul qui suscitera une rude bataille. Celui de la vice-présidence de l’organe exécutif de l’Union africaine, poste réservé aux pays de l’Afrique du Nord, suscite également une rude bataille en Afrique du Nord, région à laquelle revient ledit poste dans le cadre des rotations régionales.

L’Algérie et le Maroc ont déposé leur candidature pour ce poste. Une chose est quasiment sure, aucun des deux pays ne se désistera au profit de l’autre, les enjeux étant énormes pour l’un comme pour l’autre. L’ensemble des candidats au poste de président de la Commission étant des hommes, le poste de vice-président doit obligatoirement revenir à une femme.

Par Moussa Diop
Le 08/08/2024 à 15h18