Dakar. La baie de Hann, un paradis souillé à la recherche d’oreilles attentives

Des détritus plastiques, des pneus usés, des bouteilles qui contribuent à enlaidir le paysage, autrefois féérique.

Le 16/07/2025 à 12h01

VidéoAutrefois considérée comme l’une des plus belles anses d’Afrique, la baie de Hann est devenue un dépotoir à ciel ouvert où les odeurs pestilentielles ont fini par vaincre les effluves iodées du grand large.

Autrefois prisée pour sa beauté naturelle, la baie de Hann est aujourd’hui méconnaissable. Sur le sable, des détritus plastiques, des pneus usés, des bouteilles qui ne servent plus qu’à enlaidir le paysage, autrefois féérique. Dans l’eau, une mixture noire est déversée directement depuis les égouts.

Christian Faye, Secrétaire exécutif de l’organisation Gaia (Groupe d’Action et d’Initiative pour un développement Alternatif) s’interroge sur l’origine de cette pollution «d’où proviennent ces facteurs de pollution de la baie de Han? Quand on analyse, on se rend compte que la seule explication est que plus personne n’écoute plus personne. Les industriels, n’écoutent qu’eux-mêmes et font ce qui les arrange. Pareil pour les populations riveraines. C’est ce langage de sourds qui est à l’origine de cette pollution».

Face à ce constat alarmant, certains ont décidé de ne plus se taire, parmi lesquels un artiste. Serigne Gorgui Mbaye, sculpteur engagé, a choisi de parler autrement. Une sculpture à deux oreilles géantes pour sensibiliser à la dépollution de cette baie en souffrance «c’est une manière de sensibiliser par rapport à la dépollution de la baie de Hann. C’e Et c’était un challenge de faire cette perte d’oreilles, vu que ce n’était pas trop bien entendu, de faire des oreilles de deux mètres et tout. Mais c’était un challenge de le faire et une manière de conscientiser la population, de s’approprier la plage et la nature. Parce que c’est nous-mêmes qui polluons et c’est nous-mêmes qui devons dépolluer».

Cette sculpture devient un symbole, un appel à l’écoute, à la prise de conscience. Le débat est lancé, mais la question reste ouverte: jusqu’où iront les efforts pour sauver cet environnement?

«Il ne s’agit pas de mettre en place des politiques ou une législation. C’est un tout. J’insiste beaucoup sur l’aspect sensibilisation du grand public. Quand tout le monde est sensibilisé, on peut passer à une étape supérieure, pousser les gens à l’action. Mais pour nous, ça passe par l’écoute d’où ces grandes oreilles», a affirmé Christian Faye, Secrétaire exécutif de l’organisation Gaia.

Et à Serigne Gorgui Mbaye d’ajouter que «nous devons écouter la mer parce que la terre est dans la mer. Les sources de vie nous parlent mais on ne les écoute pas suffisamment. On doit les écouter de la même manière qu’elles nous écoutent. Parce que si on n’écoute pas à la mer, la mer ne nous écoute pas. Alors, la mer nous renvoie nos déchets».

La baie de Hann, comme bien d’autres endroits au Sénégal, porte les stigmates de l’indifférence et du non-respect de l’environnement. Mais des voix s’élèvent, portées par l’espoir d’un changement. Elles lancent un appel à l’écoute et à la prise de responsabilité collective, pour préserver ce que l’on a trop souvent négligé

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 16/07/2025 à 12h01