Le procès de l’ancien ministre de l’Intérieur, qui conteste les charges retenues contre lui, se tient devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, dans le sud-est de la Suisse et doit durer un mois.
La procédure contre M. Sonko, détenu depuis 7 ans en Suisse et qui aura 55 ans mardi, est rendue possible car le pays alpin se reconnaît depuis 2011 le droit de juger les crimes les plus graves s’étant déroulés à l’étranger à condition que leur auteur se trouve sur son sol.
Le verdict n’est pas attendu avant mars.
C’est la première fois en Suisse que cette notion de crime contre l’humanité - des crimes commis dans le cadre d’une attaque de grande ampleur visant des civils - est abordée en première instance.
M. Sonko est «également le plus haut responsable politique jamais jugé en Europe pour des crimes internationaux, en vertu de la compétence universelle», explique Leslie Haskell, présidente de Trial International, l’ONG à l’origine de la procédure.
Il avait été arrêté le 26 janvier 2017 au lendemain de la dénonciation pénale déposée à son encontre par l’ONG. Cette dernière avait été informée qu’il avait demandé l’asile en Suisse après avoir été limogé de son poste ministériel qu’il a occupé pendant 10 ans jusqu’en septembre 2016.
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Le Ministère public de la Confédération (MPC, bureau du procureur général) l’accuse «d’avoir, en ses qualités et fonctions, soutenu, participé et de ne pas s’être opposé, aux attaques systématiques et généralisées menées dans le cadre de répressions par les forces de sécurité gambiennes contre tout opposant au régime du président Yahya Jammeh» (1994-fin 2016).
«Un espoir»
Les reproches s’étendent sur une période allant de 2000 à 2016, et il est accusé de neuf chefs de crimes contre l’humanité (assassinat, multiples lésions corporelles graves, mise en danger de la vie d’autrui répétée, contrainte répétée, viols répétés, séquestration aggravée répétée, homicide intentionnel répété, torture répétée et séquestration répétée).
Dix personnes se sont constituées parties plaignantes, dont huit «victimes directes» et la fille d’une personne décédée en détention, a détaillé Trial. Une autre est décédée l’an dernier, mais ses héritiers ont repris le dossier.
«Ce procès est un espoir pour les victimes d’une répression de plusieurs décennies en Gambie d’obtenir des réponses sur les crimes commis à l’encontre de la population gambienne», a déclaré à l’AFP Benoît Meystre, conseiller juridique de l’ONG.
La Gambie, petit pays d’Afrique de l’Ouest et ex-colonie britannique, a été dirigée d’une main de fer pendant 22 ans par Yahya Jammeh qui vit en exil en Guinée équatoriale après avoir perdu l’élection présidentielle de décembre 2016.
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M. Sonko est accusé d’avoir agi en grande partie avec un collectif de personnes «composé de l’ancien président et de membres dirigeants des forces de sécurité et des services pénitentiaires», dans l’exercice de ses fonctions, d’abord en tant que membre de l’armée, puis en tant qu’inspecteur général de la police et enfin comme ministre.
Selon son avocat, Me Philippe Currat, les faits décrits dans l’acte d’accusation n’engagent pas la responsabilité de son client mais de l’Agence nationale de renseignement (NIA), et «cette agence-là n’a jamais été ni sous l’autorité, ni sous le contrôle, ni en fait ni en droit, d’Ousman Sonko», a-t-il dit à l’AFP.
La défense entend également faire valoir qu’une partie des faits décrits dans l’acte d’accusation doivent être écartés car ils sont antérieurs à 2011, date depuis laquelle les crimes contre l’humanité sont inscrits dans le droit suisse.
Avocate de trois des parties plaignantes, Me Caroline Renold a elle indiqué à l’AFP qu’«Ousman Sonko a joué un rôle clé dans la mise en oeuvre de la répression contre la population civile» et «ne pouvait ignorer toutes les atrocités qui étaient commises».