L’Algérie poursuit sa politique de refoulement inhumain des migrants subsahariens vers le Niger. Dernier en date, l’expulsion de 2.852 personnes, originaires d’une quinzaine de pays, selon le collectif d’ONG Alarm Phone Sahara (APS). Dans un message posté le vendredi 10 mars sur son compte Twitter, il révèle que le premier convoi de 993 migrants déportés le 23 février était principalement constitué de Guinéens (346), Maliens (218), Ivoiriens (126), Sénégalais (51), Gambiens (69), Sierre-Léonais (36), Béninois (24), Soudanais (24), et Burkinabés (18). Tandis que dans le deuxième convoi de 1180 migrants, arrivé à la frontière le 3 mars, on y retrouve majoritairement des Guinéens (318), Maliens (308), Gambiens (116), Ivoiriens (89) Sénégalais (79), Soudanais (49), Camerounais (35), et Sierra-Léonais (37). Et dans le dernier contingent arrivé le 5 mars, on comptait 679 migrants, dont principalement des Nigériens (639), Guinéens (48) et Maliens (12).
Ces dernières semaines, de plus en plus de migrants ont été expulsés d'#Algérie 🇩🇿 vers #Assamka, #Niger 🇳🇪, dans des convois soi-disant officiels et non officiels. Nous continuons à dénoncer ce régime brutal de #déportation ! Mais la situation s'est aggravée depuis que le camp pic.twitter.com/2wYziiWGNQ
— Alarmephone Sahara (@AlarmephoneS) March 10, 2023
Avant d’être parqués en plein milieu du Sahara, sous un soleil de plomb, ces migrants vivent un véritable calvaire en Algérie. Arrêtés brutalement dans différentes villes, notamment à Oran, ils sont ensuite placés dans la prison d’Adrar, avant d’être déportés vers centre de refoulement de Tamanrasset, situé à 1900 km de route au sud d’Alger. Dépouillés de leurs téléphones portables, passeports, bijoux, argent liquide, etc., ils sont entassés dans des camions et jetés dans le désert.
Une fois déposés à la frontière entre les deux pays, dans une zone dénommée Point-Zéro, ils doivent ensuite parcourir une distance de 15 km, pour arriver dans le village d’Assamaka, qui abrite le camp de transit de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Niger. Certains, épuisés par ce long voyage, y perdent la vie. D’autres s’exposent aux attaques de bandes armées qui opère dans les environs. «On nous a abandonnés à Point-Zéro à 2h du matin et nous avons dû marcher avec nos béquilles pendant des heures. Nous ne sommes arrivés à Assamaka qu’à 11h du matin», révélait Alpha Mohamed, de nationalité guinéenne, au site Infomigrants en novembre 2022.
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Et ils ne sont pas au bout de leurs peines. La majorité d’entre eux dorment dans des hangars ouverts, à la belle étoile, puisque ne pouvant pas accéder à ce lieu dont la capacité maximale est de 1000 personnes. « La situation s’est aggravée depuis que l’OIM Niger à Assamaka a arrêté d’accueillir et d’enregistrer les nouvelles personnes. Des migrants subsahariens sont ainsi abandonnés à eux-mêmes et ne reçoivent ni nourriture, ni endroit pour dormir. Ils sont contraints de vivre et de lutter dans la rue», explique Alarm Phone Sahara. Selon elle, «cette situation met de plus en plus en danger la sécurité des personnes expulsées, mais aussi des habitants autochtones, et évoque une crise humanitaire ! Nous demandons donc l’arrêt immédiat des déportations».
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Ces nouvelles exportations surviennent presque un mois après celles de 899 migrants de 16 pays africains orchestrées par Alger le 12 février 2023. Une attitude qui devient une fâcheuse habitude des autorités algériennes. D’après l’ONG Médecins sans frontières (MSF), 23.171 migrants ont été expulsés en 2020, 27.208 en 2021 et 14.196 entre janvier et mai 2022. En 2022, elle avait dénoncé «les traitements inhumains» infligés à ces migrants. Selon les Nations Unies, depuis 2014, l’Algérie a déporté des dizaines de milliers de personnes originaires d’Afrique de l’ouest et centrale vers le Niger, en bafouant les règles les plus élémentaires en matière de respect des droits de l’homme. Des refoulements inhumains également dénoncés par l’ONG Human Rights Watch, et certaines ONG algériennes.
Ces vagues de dénonciation contrastent avec l’omerta de l’Union africaine sur la question. L’organisation panafricaine qui a récemment condamné les propos racistes du président tunisien Kais Saied, devrait en faire de même sur ces pratiques dégradantes et inhumaines d’Alger.