Le gouvernement algérien souffle le chaud et le froid. Il y a quelques semaines, le Premier ministre Ahmed Ouyahia signait la charte du Partenariat public-privé (PPP) avec le patronat et les syndicats, ouvrant une nouvelle ère dans la politique économique algérienne. Ainsi, elle permettra des privatisations «contrôlées» d’entreprises étatiques, avec des cessions pouvant aller jusqu’à 34% du capital des entreprises publiques algériennes.
Sauf que quelques jours après cette sortie, le Premier ministre a été désavoué par le président Bouteflika en personne, qui l'a sommé de stopper ces privatisations. Plus nuancé, le ministre de l’Industrie et des mines, Youcef Yousfi, annonçait dans le même temps qu’«aucune ouverture de capital, aucune privatisation d’une entreprise nationale ne sera faite sans l’accord de Monsieur le président de la République, et ce sont ses prérogatives».
C’est dire la cacophonie qui prévaut au sommet de l’Etat. Néanmoins, tout le monde a bien conscience que le retour des investisseurs étrangers est nécessaire, notamment au niveau du secteur des hydrocarbures. A défaut, le scénario vénézuélien guette le pays.
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C’est dans cette optique qu'il faut comprendre la sortie de Salah Mekmouche, vice-président de l’exploration et de la production de la Sonatrach (Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures), à la radio nationale, lorsqu'il a annoncé que le ministre de l’Energie, Mustapha Guitouni, a autorisé la compagnie pétrolière algérienne à négocier des cessions de parts au sein du groupe Sonatrach et le changement de contrôle de certaines des 154 filiales du mastodonte.
En clair, le ministre autorise la privatisation de certaines filiales du groupe. Si le sujet n’est plus tabou en Algérie, la privatisation de la Sonatrach surprend. En effet, la Sonatrach en Algérie est un Etat dans l'Etat. La première entreprise algérienne est la douzième compagnie pétrolière du monde et la plus grande entreprise sur le continent africain. Elle pèse, à elle seule, plus de 96% des recettes extérieures de l’Algérie et 60% de son budget. En 2016, malgré la chute du cours du baril de pétrole, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 24 milliards d’euros et a apporté 13 milliards d’euros de recettes fiscales à l’Etat.
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Mais ces chiffres ne doivent pas cacher la crise multiforme que traverse le groupe. Outre la boulimie et la mauvaise gestion, la Sonatrach souffre surtout du déclin de ses gisements pétroliers et gaziers. Et à la faveur de la chute du cours du pétrole, elle a vu ses recettes passer de 62 milliards de dollars en 2014 à 33 miliards de dollars en 2016. Or, elle est la vache laitière du gouvernement.
Avec les cessions annoncées, le gouvernement espère attirer de nouveaux investisseurs, faire entrer des devises pour faire face à la décrue des avoirs extérieurs du pays, réduire le déficit budgétaire et créer des emplois.
Pourtant, les cessions de participations ne suffisent pas pour attirer les investisseurs alors que le groupe compte investir 73 milliards de dollars sur la période 2016-2020. Ainsi, Mekmouche a aussi souligné que la révision de la loi sur les hydrocarbures s’imposait si l’Algérie souhaitait attirer des investisseurs étrangers. Le vice-président de la Sonatrach reconnaît d’ailleurs que ce sont les investisseurs étrangers qui ont «dicté la loi», cette fois-ci, en soulignant que «le gouvernement a tenu compte de l’avis des partenaires» (investisseurs étrangers) pour construire des partenariats gagnant-gagnant.
Il faut dire que la politique visant à limiter le contrôle des entreprises algériennes par des étrangers à 49% et la loi sur les hydrocarbures, dont la taxe sur les profits exceptionnels, ont fini par décourager les investisseurs. Cette taxe va de 5% à 50% dès lors que le prix du baril de Brent franchit la barre des 30 dollars. C’est ce qui explique le fait que tous les appels d’offres initiés par le groupe Sonatrach, via sa filiale Al-Naft, visant l’exploration de nouveaux gisements sont restés infructueux.
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Ces appels aux investisseurs étrangers sont aujourd’hui une nécessité pour l’Algérie, qui doit faire face au déclin de sa production pétrolière, en raison du déclin de certains puits, des problèmes de maintenance, de l’absence de nouveaux investissements et surtout de la chute de ses réserves en devises, qui sont tombées sous la barre des 100 milliards de dollars alors qu’elles frôlaient les 200 milliards il y a seulement quelques années.
De même, pour exploiter rapidement son potentiel gazier et faire face à la concurrence, l’Algérie doit investir massivement dans le secteur. Or, avec la crise, les marges de manœuvre du pays sont devenues faibles. Du coup, le seul salut ne pourra venir que des investisseurs privés locaux et surtout étrangers.