Algérie. Le fiasco de la politique industrielle pousse Renault à envisager la suspension de sa production

Une chaîne de montage de véhicules du groupe Renault.

Une chaîne de montage de véhicules du groupe Renault.. DR

Le 05/10/2019 à 08h25, mis à jour le 05/10/2019 à 10h22

Revue de presseLa politique industrielle automobile algérienne est un fiasco. La dernière mesure prise par les autorités pour faire face aux importations des kits CKD/SKD destinés au montage des véhicules risque de tuer l’industrie. Renault Algérie envisage la «fermeture provisoire» de son unité de production.

La politique de tâtonnement des dirigeants algériens en charge du développement de l’industrie automobile du pays continue de porter préjudice au secteur. La dernière mesure prise en mai 2019 et visant à réduire la facture des importations des kits SKD –Semi Knocked Down- et CKD –Completely Knocked Down- nécessaires pour le montage des véhicules risque d’entraîner la fermeture provisoire de certaines unités industrielles.

C’est le cas du leader du montage automobile en Algérie, Renault Algérie, qui est aujourd’hui dans la tourmente. Selon des sources internes rapportées par l’agence officielle APS, l’usine de montage de Renault Algérie à Oran va être fermée dès le mois de novembre.

Il s’agirait d’une «fermeture provisoire» qui est justifiée par l’épuisement des stocks du quota des kits CKD-SKD disponibles. Du coup, la reprise de la production n’est prévue qu’avec la mise en place de nouveaux quotas d’importation de kits, probablement en début 2020.

Certains pensent que si le quota alloué à Renault Algérie au titre de 2020 demeure faible, la fermeture de l’unité pourrait même être envisagée, comme le laissaient entendre plusieurs sources.

Provisoire ou pas, le mal de l’industrie de montage automobile est profond du fait que la politique industrielle prônée par les différents gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays au cours de ces dernières années est un véritable fiasco.

En effet, après avoir obligé les concessionnaires automobiles à investir dans le montage des véhicules et interdit les importations de véhicules neufs en 2016, sans pousser à la mise en place d’un écosystème de sous-traitants et de fournisseurs à même de livrer les composants automobiles, le secteur s’est retrouvé à importer des voitures sous forme de kits via le système SKD –Semi Knocked Down- (monter des véhicules dont les pièces sont importées, partiellement assemblées). Un système avec lequel certains oligarques, comme Tahkout, ont abusé en important des voitures Hyundai complètement montées et auxquelles il ne manquait que des roues à placer.

Conséquence: tous les opérateurs en ont profité et abusé, de telle sorte que la facture des importations de kits automobiles a explosé, allant même jusqu’à dépasser celle des importations de véhicules neufs, prohibées depuis 2016.

Du coup, le processus d’assemblage qui devrait passer par le système SKD (monter des véhicules dont les pièces sont importées, partiellement assemblées) pour aller vers celui de CKD (importation de certains kits et la fabrication au niveau local de certains composants) n’a pas connu la mutation souhaitée pour atteindre un meilleur taux d’intégration locale. Presque rien n’est fabriqué localement. Rare sont les industriels qui peuvent se prévaloir d’un taux d’intégration atteignant 10%. Pour nombre d’unités industrielles, celui-ci varie entre 0 et 5%. En définitive, tout ou presque est importé monté, d’où l’explosion des factures des importations des kits automobiles.

En 2018, la facture globale d’importation des collections CKD-SKD destinées au montage de véhicules (tourisme et utilitaires) et l’importation des véhicules de transport de personnes et de marchandises (produits finis) a atteint 3,73 milliards de dollars, contre 2,2 milliards de dollars en 2017, soit une hausse de plus de 70%.

Selon la Douane algérienne, sur le premier semestre 2019, les importations de kits CKD-SKD destinés au montage de véhicules automobiles se sont établies à 1,766 milliard de dollars, contre plus de 1,711 milliard de dollars à la même période de l’année précédente, soit une hausse de 3,23%. Bref, le recours au montage local des véhicules est coûteux, surtout pour un pays qui voit ses réserves en devises fondre comme du beure au soleil.

C’est face à cette hausse continue de la facture des importations de kits CKD-SKD que le gouvernement algérien a décidé le 8 mai dernier de mettre en place des quotas d’importations de kits pour chaque unité de montage automobile dans le but de réduire le déficit de la balance des paiements et préserver les réserves en devises du pays. Reste qu’en choisissant la solution facile, le gouvernement tend à tuer cette industrie naissante par une politique mal pensée.

Signalons que selon les données des autorités, l’industrie de montage de véhicules a produit 4.500 véhicules industriels et 180 000 véhicules de tourisme au titre de l’exercice 2018, contre 110 000 unités montées en 2017.

Et à cause de ces quotas, l’incertitude plane aujourd’hui sur la production futur des certains acteurs et le lancement du projet d’unité de montage de Peugeot Citroën Production Algérie en chantier à Tafraoui, près d’Oran.

Par Moussa Diop
Le 05/10/2019 à 08h25, mis à jour le 05/10/2019 à 10h22