Le cours du baril de pétrole, actuellement à de très bas niveaux, continue encore à grever les finances publiques algériennes, et la crise financière qui en résulte a contraint l’Etat à geler les grands projets infrastructurels initiés dans le pays.
Même le ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire, Salah Eddine Dahmoune, l'a avoué devant les membres de la Commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN): le pays traverse une situation financière très difficile.
«La priorité sera accordée, l’année prochaine, aux projets en cours de réalisation, eu égard à la conjoncture financière difficile», a-t-il souligné devant les députés.
Du coup, «le gouvernement a décidé de parachever les projets en cours de réalisation, sans prévoir l’inscription de nouveaux projets», a encore expliqué Salah Eddine Dahmoune.
En conséquence, dans son département, l’un des plus importants du gouvernement algérien, seuls les financements relatifs aux projets liés à l’éclairage public et à l’assainissement seront maintenus.
Tous les autres grands projets, relatifs aux infrastructures de base sont ou continueront à être gelés.
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Ainsi, les Assemblées populaires communales ne bénéficieront pas de nouvelles enveloppes budgétaires destinées à l'édification de nouveaux logements et aux infrastructures de base.
Même les projets déjà entamés ne bénéficieront pas de financements supplémentaires, une situation également valable pour les autres départements ministériels.
Et de fait, ce sont des milliers de logements, et de centres de soins, qui ne verront pas le jour en 2020, alors même que les citoyens en ont grandement besoin.
Il n’empêche: la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) bénéficiera quant à elle d’une part importante du budget du ministère de l'Intérieur, soit 5.426 milliards de dinars algériens, «pour l’acquisition de matériel d’armement et le renouvellement du parc automobile», a précisé le ministre de l'Intérieur
Une chose est sûre, cette annonce de Salah Eddine Dahmoune est l'ullustration la plus patente de la gravité de la crise financière que traverse actuellement l'Algérie.
Le pays a entièrement vidé, et ce, dès début 2017, les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR), le fonds souverain qui a permis à l'Algérie de faire face à la chute brutale des cours du pétrole en 2015 et en 2016.
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Cette situation avait d'ailleurs poussé l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia à annoncer sa trouvaille, considérée comme la panacée pour sortir le pays de la crise financière: le recours à «la planche à billets». Cette forme de financement non conventionnel avait permis, en l'espace de deux ans, d’injecter à l'économie 5.900 milliards de dinars algériens, soit l’équivalent de 49,32 milliards de dollars- mais sans grands résultats.
Et de fait, dans le contexte actuel, l’engagement pris par le gouvernement du Premier ministre Noureddine Bedoui d’arrêter de recourir à la planche à billets pour financer l’économie algérienne, tout en refusant un recours à l’endettement extérieur est une décision difficilement compréhensible.
En ce qui concerne les réserves de change du pays, elles ont quant à elles été fortement entamées au cours de ces quatre dernières années, sous l’effet d’une boulimie de la facture des importations, que les différentes mesures prises par les gouvernements successifs n’ont pu réduire.
L'Algérie est ainsi passée d’un confortable matelas de réserves en devises de 194 milliards de dollars, à un près de 72,6 milliards de dollars en avril 2019, et le pays devrait franchir, toujours dans cet inexorable trend baissier, le seuil des 60 milliards de dollars à la fin de l’année en cours.
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En conséquence, ne disposant plus d’un fonds souverain alimenté par les recettes pétrolières, et voyant ses réserves en devises fondre de manière inquiétante, la seule alternative qui reste à l'Algérie reste l’austérité, et donc le gel de ses projets d'édification d’infrastructures de base, même si cette décision, pourtant la plus sage, risque d’aggraver la crise économique.
Le gouvernement en place, dont la vision s’arrête juste après l’échéance présidentielle prévue pour décembre prochain, le temps de "refiler la patate chaude" au prochain président, paraît ne pas en faire un problème.
Avec le gel de ces projets, tout particulièrement dans le secteur stratégique du BTP, le prochain président de la R2publique algérienne se retrouvera donc avec l'une des locomotives en matière de création de valeur et d’emplois en panne, dans un pays déjà en proie à une contestation populaire qui ne semble pas faiblir. A moins d’oser entreprendre des réformes structurelles, forcément douloureuses.