Algérie: voici pourquoi plusieurs banques et institutions financières risquent la faillite

Banque d'Algérie.

Banque d'Algérie.. DR

Le 02/02/2021 à 18h06, mis à jour le 03/02/2021 à 12h37

La Banque d’Algérie vient de donner un délai supplémentaire aux banques algériennes afin qu’elles se conforment à ses nouvelles exigences en matière de capital minimum. Toutefois, faisant face à une crise aiguë, nombre d’entre elles risquent de ne pas pourvoir remplir cette exigence.

Après les entreprises relevant de nombreux secteurs d’activité touchées par la crise économique et achevées par la pandémie du Covid-19, c’est le secteur bancaire algérien qui risque de connaître quelques faillites.

En effet, certaines banques ne sont pas arrivées à remplir l’exigence de la Banque d’Algérie en ce qui concerne le niveau du capital minimum exigé aux banques et établissements financiers à fin 2020. Une situation qui a poussé l’institution gardienne de la politique monétaire à repousser ce délai de 6 mois supplémentaires à fin juin 2021.

A cette date, tous les établissements doivent se conformer à la règle et, à défaut, leur agrément leur sera retiré. Et selon diverses sources, au moins quatre banques ne sont pas arrivées à respecter cette exigence à fin décembre 2020. En clair, ces banques ont eu du mal à dégager un cash-flow et à le réinjecter dans le capital social.

Il faut reconnaître que les banques algériennes, à l’instar de l’économie du pays, sont plongées dans une crise difficile et profonde. Déjà mal gérées, faisant face à des déficits de liquidités énormes, celles-ci sont durement touchées par les conséquences des politiques menées par les dirigeants au cours de ces dernières années avec à la clé des dettes colossales auprès des oligarques proches de l’ancien régime qu’elles n’arrivent pas à récupérer à cause de la situation désastreuse des groupes de ces hommes d’affaires. 

Le ralentissement de l’activité économique en Algérie, depuis début 2019, et la lutte contre la corruption initiée par l’ancien régime et poursuivie par l’actuel ciblant de nombreux oligarques, a fortement réduit le volume des affaires des banques algériennes. La pandémie du Covid-19 est venue aggraver la situation des banques du pays.

A celà il faut ajouter que le secteur bancaire algérien, dominé par les banques publiques, repose sur l’économie de rente du pays, les hydrocarbures, pour satisfaire les désideratas des dirigeants du pays.

Ces dernières années, ces banques publiques ont surtout servi à financer les oligarques et les entreprises publiques déficitaires sans être sûres de pouvoir récupérer un jour leurs créances.

Or, ce sont ces banques publiques en mal de liquidités qui concentrent près de 90% des dépôts enregistrés en Algérie. Ce sont elles aussi qui détiennent le plus de créances avec le Trésor public.

Du coup, ces banques en mal de liquidités avec une liquidité globale qui est tombée de 1.083 milliards de dinars en début 2020, avant de passer sous la barre des 1.000 milliards en mai, puis 778 milliards en juin et 612 milliards en novembre dernier, ont du mal à financer l’économie algérienne et à être rentables pour disposer des assises financières solides et rspecter les nouvelles exigences de la Banque d'Algérie.

En conséquence, si pour les banques privés leurs actionnaires seront à nouveau sollicités pour apporter des capitaux supplémentaires pour les sauver de la faillite, pour les banques publiques qui dominent le marché bancaire algérien, c’est l’Etat qui devra les sauver en injectant des fonds. Or, l'Etat est au bord de l'asphyxie financière à cause de la chute des revenus pétroliers et aura du mal à sauver certaines banques publiques.

En gros, pris globalement, le secteur bancaire algérien est très fragile financièrement. C’est pour faire face à la fragilité du secteur bancaire que la Banque d’Algérie a décidé, en novembre 2018, de revoir à la hausse le capital minimum que doivent libérer les banques et établissements financiers exerçant en Algérie.

Elle avait demandé le respect des nouvelles exigences en matière de capital minimum fixé à 20 milliards de dinars (environ 123,5 millions d’euros ou 150 millions de dollars) et 6,5 milliards de dinars (49 millions de dollars ou 40 millions d’euros) à fin décembre 2020 dans le but de renforcer la solidité du secteur financier et le moderniser.

Et pour pousser toutes les banques à respecter cette règle, la banque centrale a prévu comme sanction le retrait pur et simple des agréments aux acteurs qui ne respecteraient pas cette exigence à fin juin 2021.

Seulement, si ce délai constitue une bouffée d’oxygène pour le secteur bancaire algérien, il est peu probable que certaines banques puissent respecter cette exigence en augmentant fortement leur capital d’ici là vu la conjoncture difficile que traverse le pays et l’économie algérienne.

Par Karim Zeidane
Le 02/02/2021 à 18h06, mis à jour le 03/02/2021 à 12h37