Algérie: las des reports d'autorisation d'importation automobile, 80 concessionnaires mettent fin à leur activité

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Le 14/02/2022 à 14h01, mis à jour le 14/02/2022 à 14h05

Des dizaines de concessionnaires automobiles ont informé le ministre de l’Industrie, Ahmed Zaghdar, de leur décision collective de mettre fin définitivement à leur activité et de geler tout paiement d’impôts et taxes à l'Etat. Une situation qui se traduira par de nombreuses pertes d’emplois.

Le feuilleton de l’autorisation d’importation de véhicules neufs continue de hanter le sommeil des concessionnaires automobiles algériens. Après les moult reports de la date de reprise des importations, ces professionnels avaient fini par croire à l’engagement du président Abdelmadjid Tebboune et au redémarrage de leur activité en début 2022.

Seulement, les dernières sorties du ministre de l’Industrie, Ahmed Zaghdar, ont fini par doucher définitivement leurs espérances puisqu'ils ont appris qu’ils doivent désormais patienter encore plusieurs mois et peut-être même jusqu’en 2023 pour pouvoir reprendre normalement leur activité.

En effet, le cahier des charges relatif à l’activité de concessionnaire automobile annoncé pour le mois de janvier 2022 par le ministre de l’Industrie en décembre 2021 est resté lettre morte. Et les nombreuses sorties du ministre au cours de ces derniers jours n’ont pas permis d’éclairer la situation. Bien au contraire, ses sorties ont fini par faire comprendre aux professionnels que la situation ne sera pas débloquée avant des mois. Le 7 février 2022, il expliquait, «nous avons reçu des instructions du Président pour réviser le cahier des charges. Nous avons apporté quelques ajustements. Il sera publié prochainement. Il y a quelques nouveautés et nous avons levé quelques obstacles». Toutefois, le ministre n'apporte toujours pas de la réponse précise qui intéresse les concessionnaires, à savoir la date de publication du nouveau cahier des charges.

Et, pour les professionnels du secteur, après plusieurs années d’attente, la situation est devenue intenable. En conséquence, plusieurs dizaines d’entre eux ont fini par annoncer leur décision de mettre fin à leur activité.

Ainsi, ce sont 80 concessionnaires qui ont adressé un courrier au ministre de l’Industrie, Ahmed Zaghdar, pour lui signifier que, las d’attendre des promesses que les autorités ne veulent pas honorer, les professionnels regroupés au sein du Groupement des concessionnaires automobiles (GCA) ont décidé de mettre fin à leur activité, plutôt que de continuer à accorder du crédit aux promesses à répétition des dirigeants algériens.

Face aux reports successifs de l’autorisation de l’importation de véhicules neufs, les concessionnaires automobiles se sont retrouvés en situation financière plus que délicate. S’ils avaient l’espoir d’un retour à une situation normale après la sortie du président Tebboune fin 2021 annonçant un nouveau cahier des charges et un retour des importations début 2022, les dernières déclarations du ministre de l’Industrie montrent clairement qu’il s’agissait d’un simple subterfuge utilisé par les autorités pour repousser une nouvelle fois la date du retour de ces importations.

Cette décision des concessionnaires aura des répercussions sociales et économiques négatives. En effet, ils emploient de nombreux salariés qu’ils avaient décidé de garder espérant, encore, une reprise de leur activité. Ce sont donc plusieurs milliers d’emplois qui seront perdus. De plus, les concessionnaires ont décidé de geler les paiements de taxes et d’impôts sur le revenu global (IRG), ce qui se traduira par un manque à gagner pour les finances publiques.

Ces décisions sont justifiées par l’incapacité des professionnels à faire face aux charges de leurs activités à cause de leur situation financière qui ne cesse de se détériorer en l’absence d’entrée d’argent alors qu’ils sont obligés de faire face à des charges fixes.

La décision de mettre fin à leur activité s'explique surtout par le manque de visibilité. Selon Youcef Nebbache, ancien président de l’Association des concessionnaires automobiles multimarques (ACAM), si relance de l’importation des véhicules neufs il y a, il faudra attendre au moins septembre 2022, ne serait-ce que pour des raisons de procédures, pour que l'activité reprenne concrètement.

En effet, outre la publication du cahier des charges, que les autorités annoncent déjà finalisé, et l’octroi des agréments aux concessionnaires qui répondraient aux critères définis par ce cahier des charges, il faudra par la suite faire face aux procédures liées aux commandes chez les constructeurs automobiles. Or, le contexte actuel de déficit de puces électroniques a tendance à réduire la production de l’industrie automobile mondiale, ce qui pourrait retarder les livraisons de véhicules aux importateurs algériens.

En clair, les importations de véhicules neufs ne devraient se faire, dans le meilleur des cas, que fin 2022.

Un délai qui serait très favorable pour les autorités qui préfèrent prolonger autant que possible cette interdiction d’importation de véhicules neufs afin de préserver les réserves en devises du pays, qui commencent à se reconstituer grâce à la bonne évolution des cours du baril de pétrole. Et pu importe que cette politique ait des conséquences sur les citoyens algériens encore et toujours privés de la possibilité d’acheter un véhicule depuis plusieurs années et des conséquences néfastes de cette mesure sur la sécurité à cause d’un parc automobile vieillissant et mal entretenu à cause de l’absence de pièces détachées.

Rappelons qu’en temps normal, la facture des importations automobiles ressort à hauteur de 3,5 milliards de dollars par an. Une sortie de devises que les autorités souhaitent économiser encore plusieurs mois, voire des années, au grand malheur des citoyens algériens.

En conséquence, la seule solution qui restait entre les mains des concessionnaires automobiles algériens était celle de mettre la clé sous la porte, avec des conséquences désastreuses pour de nombreuses familles dans un contexte social très difficile en Algérie, à cause de la hausse du taux de chômage et de la flambée des prix de tous les produits réduisant le pouvoir d’achat des citoyens du pays. 

Par Karim Zeidane
Le 14/02/2022 à 14h01, mis à jour le 14/02/2022 à 14h05