Algérie: Reporters sans frontières dénonce la "main invisible" qui muselle la presse

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Le 26/12/2016 à 18h55, mis à jour le 26/12/2016 à 19h24

L'ONG Reporters sans frontières (RSF) dresse un tableau vraiment sombre de la situation de la presse en Algérie. Le gouvernement ne s'embarrasse pas de procédure pour emprisonner les journalistes, priver de publicité les supports médiatiques ou envoyer la gendarmerie dans un studio de tournage.

Alger et ses dirigeants civils et militaires acceptent mal la critique et ne lésinent pas sur les moyens quand il s'agit de museler la presse. Le dernier rapport de Reporters sans frontière (RSF) sur l’Algérie, présenté jeudi dernier à Paris, dresse un constat sans appel. L’ONG de défense des droits de la presse internationale dénonce, "la main invisible du pouvoir sur les médias". C’est d’ailleurs le titre dudit rapport publié une dizaine de jours seulement après le tragique décès de Mohamed Tamalt.

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RSF fait état d'un contexte qui irrite les dirigeants d’Alger, surtout quand la presse s’y intéresse. Car, souligne l’ONG, "en 2014, la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat suscite de très fortes tensions. L’opacité entourant la santé du président algérien depuis l’AVC qui a réduit ses capacités d’élocution et de mobilité en 2013, l’absence de transparence quant au déroulement du scrutin, et les nombreux scandales de corruption entachant le système politique de manière récurrente, inquiètent quant à l’avenir du pays". A cela s’ajoute évidemment, la crise économique qui frappe le pays depuis 2015 avec la chute de 70% des cours du brut.

Du coup, RSF dresse un tableau sombre des méthodes surannées de l’Etat pour lequel pressions politiques et économiques mais aussi procédures judicaires constituent les seules vraies armes. Il y a eu le cas de Mohamed Tamalt qui sera le symbole d’un régime aux abois. Mais, il n’est malheureusement pas le seul journaliste à croupir dans les geôles du pouvoir d’Alger. Hassan Bouras, est un autre journaliste emprisonné et dont les proches s’inquiètent depuis que son ami Tamalt est décédé. Noureddine Ahmine, avocat de Bouras affirme "qu’on se dit que tout peut arriver". 

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En matière de liberté de la presse, l’Algérie est désormais classée 129e sur 180 pays, selon RSF. Même si la loi garantit théoriquement la liberté de presse, dans la pratique c’est bien différent. En effet, la loi affirme que le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté. Mais en réalité, les procureurs n’hésitent jamais à requalifier les faits reprochés aux journalistes en faisant appel au code pénal qui est le "cauchemar de la presse", selon RSF. Et là, la liste est relativement longue. On a la diffamation et quand elle ne suffit pas, "l’outrage à corps constitué" et "l’injure". C’est ce qui a fait tomber Tamalt et Bouras, mais surtout qui a fait taire beaucoup de journalistes qui se montraient critiques.

Souvent, le pouvoir ne s’embarrasse pas de procédures quand la presse se montre gênante. Le 23 juin 2016, en plein tournage de l’émission satirique "Djornane El Gosto", une sorte de Guignols de l’Info, des gendarmes débarques armés jusqu’aux dents et mettent fin à un succès qui dure depuis 2012. 

Un autre moyen de pression est l’appel que lance régulièrement, mais discrètement, le pouvoir au boycott publicitaire des titres récalcitrants. C’est ce qu’explique Chérif Rezki, directeur du quotidien Al Akhbar, au quotidien Le Monde

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 26/12/2016 à 18h55, mis à jour le 26/12/2016 à 19h24