Algérie: c'est lui qui dirige le pays, pas Bouteflika

Le général Mediène, alias Toufik, est celui qui tient toujours les rennes du pouvoir. Son limogeage n'a jamais été officialisé par décret.

Le général Mediène, alias Toufik, est celui qui tient toujours les rennes du pouvoir. Son limogeage n'a jamais été officialisé par décret. . DR

Le 04/04/2018 à 17h58, mis à jour le 04/04/2018 à 18h02

Revue de presseLe pouvoir de l'ombre, entre les mains de l'ex-Département de renseignement et de sécurité, a siphonné celui virtuel entre les mains d'Abdelaziz Bouteflika. C'est l'ex-police secrète qui nomme et limoge qui elle veut, et son patron de toujours, le fameux "Toufik", est plus que jamais aux affaires.

Qui dirige réellement l'Algérie? Said Bouteflika, le frère du président? Abdelaziz Bouteflika qui ne quitte plus sa chaise roulante et qui ne s'est pas adressée aux Algériens depuis plusieurs années? Ou ce que l'on appelle le clan qui signifie cet agglomérat d'apparatchiks tenant chacun à ses prérogatives? Aucun des trois, tranche Mohammed Hachemaoui, sociologue du politique, enseignant à Science Po Paris dans une interview accordée au quotidien La Croix.

Le chercheur ne fait pas dans le détail. "L’accident vasculaire cérébral qui a foudroyé le président Abdelaziz Bouteflika, en avril 2013, a mis à nu le régime en révélant au grand jour les institutions qui gouvernent l’Algérie, à savoir la police secrète, l’État profond", affirme-t-il dès l'entame de son interview. Il explique que l'histoire racontée au sujet d'un Said Bouteflika qui dirigerait l'Algérie n'est que pure fable. 

"Pourquoi un président, coopté et reconduit par le DRS malgré sa maladie contractée en 2005, attendrait-il d’être anéanti par un AVC pour s’attaquer au monstre institutionnel qu’est le DRS?", se demande-t-il. Force est de reconnaître que si Bouteflika n'a pas pu venir à bout de la police secrète et de son puissant patron Mohamed Liamine Mediene, alias Toufik, durant les 15 premières années de son règne, il lui est impossible de le dégommer quand il n'est plus en pleine possession de ses capacités.

Le général de corps d'armée Toufik a dirigé le Département de renseignement et de sécurité (DRS) de 1990 à septembre 2015, date de son limogeage "supposé". Là encore, le professeur émet un sérieux doute sur ce supposé limogeage et la nomination de son remplaçant présumé, puisque, selon lui, il ne suffit pas d'annoncer des décrets, encore faut-il les publier dans le bulletin officiel. Les Algériens attendent toujours cette exigence légale deux ans et demi après l'annonce faite par voie de presse. 

"Et ce n'est pas parce que la police secrète, le DRS, a changé de nom, pour devenir Département de surveillance ou de sécurité (DSS)", qu'elle a été dissoute. 

Et Saïd Bouteflika alors? S'il était aussi puissant qu'on le prétend, il aurait pu faire quelque chose quand, en 2014, il a été attaqué dans sa vie privée. Mais le pauvre n'a même pas pu intenter une action en justice contre ceux qui l'avaient calomnié. De plus, toujours selon Mohammed Hachemaoui, Said Bouteflika n'a même pas pu faire en sorte que ses proches soient nommés. Au début du quatrième mandat, Bouteflika et son frère se sont vu imposer Ahmed Ouyahia au poste de directeur de cabinet de la présidence. Selon lui, le caractère tendu des relations entre Ouyahia et Bouteflika est un secret de Polichinelle. 

"De même, Abdelmoumen Ould Kadour, le PDG depuis avril dernier de la Sonatrach (la société nationale des hydrocarbures) et le ministre des Mines, Youcef Yousfi, sont des protégés du DRS", affirme-t-il. 

Et concernant la succession d'Abdelaziz Bouteflika, il estime que ce sera la personne désignée par la police secrète pour le remplacer. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 04/04/2018 à 17h58, mis à jour le 04/04/2018 à 18h02