Algérie. Liberté de la presse: deux journalistes appelés à la barre ce lundi

Khelaf Benhadda, rédacteur en chef de Algérie Direct et Said Boudour, militant des droits de l'Homme et journaliste à Algérie Part.

Khelaf Benhadda, rédacteur en chef de Algérie Direct et Said Boudour, militant des droits de l'Homme et journaliste à Algérie Part. . DR

Le 04/06/2018 à 14h49, mis à jour le 04/06/2018 à 15h12

Des journalistes algériens, arrêtés en pleine rue pour avoir publié des articles sur un trafic de drogue ou des informations sur le régime, ont été présentés au juge ce matin, lundi 4 juin.

En Algérie, on continue de faire taire ceux qui informent l'opinion publique des actes de mauvaise gouvernance et de corruption de l'administration, en les intimidant à travers des simulacres de procédures judiciaires. Said Boudour, militant des droits de l'Homme et journaliste au site d'information Algérie Part, et Noureddine Tounsi, lanceur d'alertes ayant révélé des informations concernant l'arrivée au port d'Oran d'une cargaison contenant 701 kg de cocaïne, risquent de faire les frais de leur engagement dans cette affaire ubuesque. 

Après avoir été arrêtés et transférés à Alger dans la nuit du vendredi 1er au samedi 2 juin, ils ont été finalement présentés ce matin au juge. Selon la presse algérienne, le procureur de la République a retenu les fameux chefs d'inculpation qui font taire tous ceux qui osent parler de l'armée, de la police ou de la gendarmerie. Il leur reproche une "atteinte à corps constitué", ainsi que la "publication d'éléments visant à porter atteinte à l'unité nationale". C'est ce qu'a révélé Me Salah Abderrahmane, l'un de leurs avocats. Toutefois, ce dernier chef d'inculpation concernerait plutôt un autre journaliste, en l'occurrence Khelaf Behadda qui lui également a été arrêté et présenté au juge en même temps que trois autres personnes. On reproche à Behadda d'avoir réalisé ou publié un photomontage représentant Abdelaziz Bouteflika, son frère Said Bouteflika et le Général et vice-ministre de la Défense, Gaid Salah.

Sur Radio France Internationale, Me Henri Thuillez cofondateur de la Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique (PLLAAF) a affirmé que: "a priori, quand on regarde les éléments tels qu’ils arrivent jusqu’à présent, on intimide un journaliste qui fait son travail d’information de l’opinion publique et on intimide un lanceur d’alerte qui n’a fait que révéler des informations de corruption, donc qui touchent à l’intérêt général. 

Quand on observe la façon dont cette affaire a été menée, on se dit que les autorités algériennes ont voulu lancer un message clair. En effet, certains journalistes ont été arrêtés en pleine rue comme de vulgaires criminels, alors qu'il est simplement question d'information sur une affaire de trafic de drogue. Ils ont ainsi "été arrêtés en pleine rue" avant d'être "transférés manu militari à Alger", dénonce Henri Thuillez. Selon lui, il ne s'agit ni plus ni moins de menaces claires adressées à ceux qui seraient tentés d'informer le public algérien de tels actes. 

Actuellement, la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH) est vent debout contre ces agissements sous couvert de la justice. Certains organes de presse montrent clairement leur soutien à leurs confrères injustement traînés devant la justice. Cependant, d'autres, sans doute intimidés, préfèrent se limiter à la reprise d'informations en refusant de dénoncer ce qui se passe. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 04/06/2018 à 14h49, mis à jour le 04/06/2018 à 15h12