Algérie: "Saïd Bouhadja ne peut pas être révoqué", mais ne peut pas ester contre sa révocation

Said Bouhadja, président de l’Assemblée populaire nationale (APN).

Said Bouhadja, président de l’Assemblée populaire nationale (APN).. DR

Le 19/10/2018 à 12h14, mis à jour le 19/10/2018 à 12h16

Revue de presseEn destituant d'autorité leur président, les députés de la majorité et les huit vice-présidents de l'Assemblée nationale populaire algérienne ont acté une décision sans fondement légal. Mais selon la constitutionnaliste Fatiha Benhaddou, cette décision parlementaire est inattaquable en justice.

Alors que Saïd Bouhadja répète à l'envi qu'il ne quittera pas son poste de président de l'Assemblée nationale populaire (APN), chambre basse du parlement, son poste a été déclaré vacant par les 8 vice-présidents qui forment avec lui le Bureau de cette institution. Hier, la commission juridique de l'APN a validé cette décision, ce qui laisse penser que l'on s'achemine vers l'élection de son remplaçant dès ce week-end, probablement ce dimanche. 

Cependant, tout n'est pas perdu pour Saïd Bouhadja. C'est du moins ce qu'estime Fatiha Benhaddou, une constitutionnaliste algérienne dans une interview accordée à l'hebdomadaire français Jeune Afrique. "Personne n'a besoin d'une formation de juriste" pour savoir que "cette décision est inconstitutionnelle", tranche-t-elle dès l'entame de son propos. Selon elle, une disposition de la Loi fondamentale algérienne précise expressément que la durée du "mandat (du président, ndlr) est de 5 ans". 

Fatiha Benhaddou est donc formelle. Il est "impossible" que Said Bouhadja soit révoqué. Pourtant, il est déjà arrivé qu'un président de la chambre basse du Parlement soit évincé: il s'est agi, en l'occurrence, de Bachir Boumaza, poussé à la sortie en 2001.

Mais selon cette juriste, à l'époque, les députés s'étaient appuyés sur deux articles de l'ancienne Constitution, en contradiction l'un avec l'autre. Le premier article, le 114, stipule que le président de la première chambre est élu pour un mandat de 3 ans. Alors que l'article 181 prévoit quant à lui une disposition transitoire accordant un mandat de 6 ans pour le premier président de cette chambre.

Malheureusement pour le régime, aucun imbroglio juridique de la sorte ne peut être évoqué pour le cas de Bouhadja. 

Pour la juriste, l'incapacité évoquée par le Bureau du Parlement pour déclarer la "vacance" du poste suggère que Bouhadja est "incapable de se déplacer, ou se trouve en état de léthargie ou encore de paralysie grave". Elle précise également que "l'incompatibilité juridique" n'est pas une "incompatibilité d'humeur", comme veulent le faire croire les députés de la majorité.

Il s'agit surtout de l'impossibilité pour un député d'occuper des fonctions dans l'administration ou le privé, ou encore de vouloir représenter une corporation et non l'intérêt général. 

Toujours selon Fatiha Benhaddou, en cadenassant l'hémicycle et en changeant les serrures des bureaux de Saïd Bouhaddja, les députés ont été les auteurs d'une voie de fait, par conséquent répréhensible par le code pénal. Ils ne doivent leur salut qu'à leur immunité parlementaire. 

Quoi qu'il en soit, on est face à une impasse. Car malgré le caractère illégal des actes posés par les députés de la majorité, Saïd Bouhadja ne peut pas les attaquer en justice, car il s'agit de décisions prises par des parlementaires, lesquels, par principe ne peuvent être déférés devant la justice.

Il est donc évident que le Conseil constitutionnel, que s'apprête à saisir le président de l'APN, se déclarera incompétent. 

Donc, cette juriste, l'unique solution qui pourrait permettre une sortie de crise honorable et sauver l'image de l'Algérie serait la dissolution sans motifs du parlement et l'organisation de nouvelles élections législatives. Ira-t-on jusque là? 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 19/10/2018 à 12h14, mis à jour le 19/10/2018 à 12h16