Un célèbre juge algérien, suspendu depuis décembre 2019 pour ses prises de position en faveur du mouvement pro-démocratie du Hirak, a été radié dimanche du corps des magistrats, a-t-on appris de source judiciaire.
"Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) décide de radier le juge Saadedine Merzoug du corps des magistrats", a écrit un des avocats, Me Fetta Sadat, sur sa page facebook.
Après la répression quotidienne visant des hirakistes, des opposants politiques et des journalistes, cette sanction, qui était attendue, à l'encontre d'un magistrat, traduit la volonté du pouvoir de neutraliser toute voix dissidente avant les élections législatives qu'il a convoquées le 12 juin.
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Saadedine Merzoug, porte-parole du Club des magistrats, une organisation non-enregistrée née dans la foulée du Hirak en 2019, a été révoqué à l'issue de sa comparution devant le CSM, chargé "des nominations, mutations et promotions des magistrats" et des poursuites disciplinaires.
Accusé de "violation d'obligation de réserve", Merzoug est considéré comme une des figures du mouvement de contestation au sein de la magistrature.
Il peut faire appel de cette décision devant le Conseil d'Etat, selon les avocats.
Outre Merzoug, le procureur Sid Ahmed Belhadi vient également d'être suspendu de ses fonctions pour ses sympathies pro-Hirak, selon les médias locaux.
Ce procureur avait fait parler de lui l'année dernière en requérant la relaxe pour des manifestants du Hirak quand il était en fonction au tribunal algérois de Sidi M'hamed.
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Les participants aux marches antirégime réclament régulièrement l'indépendance de la justice, en brandissant des portraits du juge Merzoug.
Plus de 180 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien.
Malgré deux échecs cinglants -la présidentielle de 2019 et le référendum constitutionnel de 2020, marqués par une abstention record-, le pouvoir algérien est décidé à appliquer sa stratégie électoraliste, sans tenir compte des revendications de la rue (Etat de droit, transition démocratique, justice indépendante, etc).
Il affirme avoir déjà répondu aux principales demandes du Hirak et qualifie ses militants de "magma contre-révolutionnaire" à la solde de "pouvoirs étrangers".
Né en février 2019 du rejet d'un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, le Hirak réclame un changement radical du "système" politique en place depuis l'indépendance en 1962.