Saïd Bouteflika: "je détiens des secrets d'Etat, si je les divulgue l'Algérie s'ébranle"

Saïd Bouteflika, frère cadet de l'ex-président algérien, à sa droite Ahmed Ouiyahia, ex-Premier ministre.

Saïd Bouteflika, frère cadet de l'ex-président algérien, à sa droite Ahmed Ouiyahia, ex-Premier ministre.. DR

Le 13/10/2021 à 14h55, mis à jour le 13/10/2021 à 15h14

Devant le juge qui lui demandait s'il avait un dernier mot avant le verdict, le frère de l'ancien président, Saïd Bouteflika a menacé le régime politico-militaire algérien, dans une déclaration qui montre que l'Etat algérien est mité de l'intérieur et qu'un rien peut le faire s'effondrer.

Voilà une déclaration qui ne manquera pas d'apporter de l'eau au moulin d'Emmanuel Macron, le président français, qui s'interrogeait fin septembre sur l'existence de l'Etat algérien avant la colonisation. En effet, Saïd, jadis tout puissant frère de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, a voulu délivrer un message limpide au régime, en tenant des propos qui interrogent quant à la solidité des bases de l'Etat algérien.

Hier mardi 12 octobre 2021, troisième jour de son procès ouvert dimanche, alors que le juge l'invite à dire un dernier mot, Saïd Bouteflika, qui sait mieux que quiconque comment fonctionne la justice de son pays, a préféré s'adresser aux principaux dirigeants algériens, plutôt qu'au magistrat.

“Je détiens des secrets d’Etat, a-t-il fait savoir, et si je les divulgue, un jour, les fondements de l’Etat seront ébranlés. Je préfère garder le silence”, a-t-il menacé devant le juge de la chambre criminelle du tribunal de Dar El Beïda.

Outre Saïd Bouteflika, ce énième procès concerne également d’autres anciens responsables mis en cause dans des affaires de corruption, en l'occurrence Tayeb Louh, ancien ministre de la Justice, et Ali Haddad, ancien dirigeant du patronat algérien.

La question qui se pose est celle de savoir dans quel autre pays au monde les propos d'un homme peuvent ébranler les fondations de l'Etat. Mais, en Algérie, ces propos sont pris très au sérieux, car Saïd Bouteflika était au centre du pouvoir pendant les 20 ans de règne de son frère, dont il était officiellement le conseiller. Vers la fin tout le monde savait que c'était lui qui tirait les ficelles au niveau du Palais d'El Mouradia, ce qui est une autre singularité algérienne qui démontre la faiblesse de l'Etat. En effet, il avait clairement réussi à accaparer le pouvoir, quand son frère, terrassé par un AVC en 2013, était malheureusement cloué sur un fauteuil roulant.

Preuve que sa menace est prise en compte par le régime qui tire les ficelles de la justice, le juge a eu la main très légère. Saïd Bouteflika n'écope dans cette affaire que d'une peine légère de 2 ans de prison, ce qui laisse penser qu'il pourrait bientôt en sortir. 

Car, certes Saïd Bouteflika a été condamné à 15 ans avec les ex-généraux, dans une précédentes affaires, mais il avait été acquitté dans un second procès en appel. Il n'était donc maintenu en détention préventive que dans le cadre du procès actuel pour corruption.

Or, il avait été arrêté en mai 2019, dans le cadre de l'affaire des généraux Mohamed Médiène dit Toufik et Athmane Tartag dit Bachir, les ex-chefs des services secrets algériens, également réhabilités depuis. Compte tenu de la période qu'il a passé en prison, il aurait donc déjà purgé sa peine et sa sortie sortie serait imminente.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 13/10/2021 à 14h55, mis à jour le 13/10/2021 à 15h14