C’est le 22 février 2019 que le soulèvement populaire a été déclenché en Algérie dans le sillage de la volonté de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika de se présenter à un 5e mandat à la tête d’un pays qu’il dirigeait déjà depuis 20 ans. Les manifestations populaires hebdomadaires des mardis et vendredis ont fini par balayer le régime de Bouteflika et son clan, dont de nombreux oligarques.
Toutefois, les manifestations ont continué, pour l’avènement d’un véritable régime civil avant que la pandémie du Covid-19 ne freine l’élan populaire et que le mouvement ne s’essouffle sous la pression des nouvelles autorités.
En Algérie, les autorités n’ont pas lésiné sur les moyens pour empêcher des célébrations de ce 3e anniversaire du déclenchement du Hirak. Ainsi, à Alger, tôt ce matin, la capitale a-t-elle été quadrillée par les forces de l’ordre qui ont déployé d’importantes unités à Alger-centre et au niveau des places fortes du Hirak. Parallèlement, les principaux axes routiers et autoroutiers menant à la capitale ont été verrouillés avec des barrages filtrant occasionnant de monstrueux embouteillages.
Lire aussi : 3e anniversaire du Hirak: les Algériens de France donnent le ton à la veille du 22 février
A travers ces mesures, les autorités essaient d’éviter tout mouvement de foule à même de raviver la flamme du Hirak et les marches populaires.
Mais, l’évènement a été célébré par la diaspora algérienne, notamment en France où d’imposantes manifestations ont été organisées. Fidèle aux slogans du Hirak, les sympathisants du mouvement populaire ont appelé à la poursuite de la lutte pour une «Algérie démocratique» et à un «changement radical» du système, la «libération de tous les prisonniers d’opinion»…
Toutefois, pour les hirakistes, ce mouvement populaire pacifique a un goût d'inachevé. En effet, s’il a permis le départ de l’ancien régime politico-militaire, celui-ci a été remplacé par des anciens caciques du régime et toujours sous les ordres des généraux alors que l’un des slogans les plus entendus lors des manifestations a été: «Un Etat civil et pas militaire».
Lire aussi : Algérie: deux ans de prison ferme contre une figure du Hirak, 6 mois contre un journaliste
Malheureusement, les généraux, comme à l’accoutumé ont rapidement confisqué le pouvoir pour conserver leurs privilèges en accusant les personnalités, les oligarques et certains généraux proches du régime de Bouteflika d’être derrière tous les maux de l’Algérie. Ceux d'entre eux qui n’ont pas eu la chance de quitter le pays à temps se sont rapidement retrouvés en prison et devraient y rester encore longtemps.
Résultat constaté par le parti Jil Jadid, qui a tiré un bilan accablant des trois années sans Bouteflika. Pour le parti de Soufiane Djilali, le seul satisfecit du Hirak est que la plupart des oligarques qui ont accompagné le long règne de Bouteflika sont aujourd’hui en prison. «Malgré les intentions de bonne volonté déclarées au plus haut niveau de l’Etat, et à part l’élimination partielle des commanditaires d’une mafiocratie prédatrice et vorace qui s’était imposée à l’Etat, le changement qualitatif tant espéré tarde à se manifester concrètement», souligne le parti dans un communiqué publié à la veille de la célébration du 3e anniversaire du Hirak.
Lire aussi : Hirak: les autorités algériennes ont élargi l’étendue de la répression en 2021, selon HRW
L’actuel régime a usé de la répression, plus que l’ancien régime, pour mettre fin au mouvement populaire pacifique. Et cette répression se poursuit à l’encontre des hirakistes dont nombreux sont ceux qui aujourd’hui sont emprisonnés dans les geôles du pays, souvent de manière injustifiée.
Ainsi, selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, le nombre de hirakistes en prison s’élève à 330 au début du mois. Il s’agit d’hommes politiques, de militants associatifs et de simples citoyens qui n’ont comme seul tort que de s’être «trop librement» exprimés.
Et à la veille des célébrations de cet anniversaire, le régime a multiplié les arrestations et les intimidations à l’encontre des dirigeants et sympathisants du Hirak. Ainsi, le 18 et 19 février, les défenseurs des droits humains, Zaki Hannache et Faleh Hammoudi, ont-ils été arrêtés et ce dernier a d'ores et déjà été condamné le 20 février à 3 ans de prison en première instance.
Lire aussi : Algérie: le Premier ministre déchargé du portefeuille des Finances
Pour dénoncer les détentions arbitraires, une cinquantaine de hirakistes ont entamé des grèves de la faim dans les prisons pour protester contre les prolongations abusives de leur détention provisoire.
Face à cette répression, la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH) et 20 autres ONG ont saisi le gouvernement pour demander la fin de cette escalade.
Pourtant, lors de sa dernière sortie médiatique, le président Abdelmadjid Tebboune n’a pas hésité a annoncé que l’Algérie «ne compte aucun détenu d’opinion», avant d’ajouter que «la construction de la démocratie passe par une liberté d’expression réelle et responsable et non pas la liberté de sabotage».