Jusqu'ici la presse espagnole ne parlait que de 454 migrants clandestins algériens ayant débarqué sur les côtes de Murcie, dans le sud du pays, mais il semble qu'il y en ait presque le double. "Plus de 800 immigrants algériens irréguliers sont arrivés en 24 heures, entre vendredi soir et samedi dernier, sur les côtes de Murcie (454), Alicante (79) et Ibiza (6). Environ 300 ont mis pied à Almería, selon diverses estimations, car dans cette province, la plus proche de l'Algérie, le gouvernement local n'a fourni aucune donnée lundi", écrit le site d'information El Confidencial.
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Ce nombre est d'autant plus inquiétant que la poussée migratoire algérienne s'est intensifiée cette année, faisant de l'Algérie le premier émetteur de pateras en direction de l'Espagne. Selon El Confidencial, avant ce fameux week-end, on compatit déjà quelque 2.703 haragas algériens sur les 4916 arrivés sur les côtes espagnoles.
Pourtant, le phénomène d'immigration clandestine vers l'Epagne a beaucoup baissé, sauf pour ceux venant de l'Algérie qui vient d'ailleurs de dépasser largement l'Afrique subsaharienne. "L’exception en Méditerranée est l’Algérie", écrit El Confidencial.
En effet, les pateras en provenance d'Afrique subsaharienne, qui débarquent pour la plupart dans les Iles Canaries, ont transporté quelque 2.798 migrants depuis le début de l'année, alors qu'entre les 800 de ce week-end et les 2.703 d'avant, le décompte algérien passe à 3500 clandestins.
Le site renvoie d'ailleurs au constat de son confrère algérien El Watan, qui écrit que "Ces derniers jours, à Oran et à Mostaganem, les jeunes n'ont d'yeux que pour l'immigration clandestine et n'arrêtent pas de parler des différentes manières d'atteindre leur objectif".
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De nombreuses vidéos filmées par les migrants eux-mêmes inondent les réseaux sociaux. Certains se félicitent de leur arrivée en Espagne, considérée comme une terre de prospérité, laissant dernière eux la misère algérienne, alors que d'autres montrent comment se déroule le voyage pour encourager les milliers de jeunes qui sont tentés par le périple.
Evidemment, affirme El Confidencial, "la véritable incitation au départ est cependant la situation économique de ce pays de 40 millions d'habitants, grand exportateur d'hydrocarbures qui représentent 93% des recettes d'exportation et 60% du budget de l'Etat et qui traverse une crise économique et financière «sans précédent», comme l'a reconnu le Premier ministre Abdelaziz Djerad il y a dix jours".
La mauvaise passe est liée à la conjoncture, mais surtout a des causes beaucoup plus profondes pour l'essentiel. Car, certes les cours du pétrole peinent à revenir à leur niveau exceptionnel du début des années 2010. Le budget algérien conçu dans l'hypothèse d'un baril autour de 60 à 70 dollars prévoyait déjà un déficit de l'ordre de 7% du PIB en 2020. Aujourd'hui que les cours du Brent sont autour de 45 dollars, l'Etat algérien se dirige tout droit vers la faillite.
Mais la vraie raison des difficultés économiques et financières du pays qui poussent les jeunes Algériens à partir se trouve dans la gestion catastrophique de la manne pétrolière algérienne durant les vingt dernières années, notamment jusqu'en 2015 où les cours du brut dépassait largement les 80 dollars en moyenne. 1000 milliards de dollars sont partis en fumée dans une gabegie sans précédent, en octroyant des prébendes aux caciques du régime et aux oligarques de toutes sortes. Alors que l'économie algérienne aurait pu véritablement être diversifiée en ce moment pour offrir aux jeunes plus de perspectives.
Selon Iván Martín, professeur de master en migrations de l'Université Pompeu Fabra de Barcelone, "A cela s'ajoute la frustration de sa jeune population, dont les 53 semaines de manifestations massives en 2019 ont été peu utiles car le régime autoritaire a su se réinventer pour ne pas perdre le pouvoir".
Mais pour El Confidencial, "l'Espagne a contribué à l'effondrement de l'économie algérienne". En effet, les entreprises espagnoles du secteur de l'énergie étaient jusqu'ici les plus gros clients de l'année. Mais, en 2020, elles ont décidé de lui tourner le dos pour s'adresser aux Américains dont les cours spot sont beaucoup plus faibles que les prix stipulés dans les contrats de fournitures à travers les deux gazoducs, dont l'un passe par le Maroc.
Le résultat a été catastrophique pour l'Algérie. Les importations espagnoles en provenance de l'Algérie de janvier à mai 2020 n'ont été que 30.000 GWh, contre 33.000 en provenance des Etats-Unis, parce que les prix de ces derniers sont 75% plus bas que ceux du voisin d'Afrique du Nord.
Quoi qu'il en soit, les jeunes Algériens savent mieux que quiconque pourquoi ils partent. Ces difficultés économiques sont synonymes de manque de perspectives, puisque près de la moitié des moins de 30 ans n'ont pas de travail. Les postes artificiels créés dans l'administration algérienne pour absorber la masse des demandeurs d'emploi qui entrent dans le marché du travail chaque année n'existent plus. L'Etat a même des difficultés depuis quelques semaines à alimenter la Caisse nationale de retraites qui doivent bénéficier annuellement de 7 milliards de dollars de subventions parce que les caisses du Trésor public sont vides.
D'autres difficultés sont à venir, selon le cabinet britannique Verisk Maplecroft qui estime que l'Algérie est l'un des 37 pays au monde et l'unique en Afrique du nord qui risque d'exploser à cause de troubles sociaux. Les jeunes partiront de plus en plus vers l'Espagne, l'Italie, voire la France, ou ce sera l'implosion.