Traite négrière: le Cameroun veut préserver la mémoire de Bimbia

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Le 19/06/2017 à 13h30

Située dans la région du sud-ouest du pays, la localité de Bimbia a autrefois servi de point de départ des esclaves vers l’Amérique. Des Afro-Américains y affluent désormais, en quête de leurs origines.

Le Musée national de Yaoundé, capitale du Cameroun abrite du 20 au 22 juin prochain un symposium pour le souvenir intitulé «Bimbia, lieu d’esclavage, mémoire de l’Humanité».

C’est le thème de cette rencontre internationale, visant à replonger les Africains dans les couloirs de l’histoire et notamment dans le passé du Cameroun en matière de traite négrière. Car si l’on connaît l’île de Gorée, au Sénégal, l’on semble moins informé sur Bimbia, petit village de l’arrondissement de Limbe III, région du sud-ouest du Cameroun.

Ancien port d’embarquement des esclaves, Bimbia a vu partir des millions d’Africains, arrachés à leurs terres à destination de l’Occident, en route pour l’esclavage. Des chercheurs américains estiment d’ailleurs que sur les douze millions d’Africains rendus esclaves entre le XVIe et le XIXe siècle, 10% seraient partis de Bimbia. C’est beaucoup plus que ceux ayant emprunté la porte du non-retour à partir de l’île de Gorée…

Le Cameroun veut donc sortir Bimbia de l’anonymat. Des chercheurs, des universitaires, des promoteurs de tourisme culturel et autres spécialistes des questions liées aux sites mémoriels et à l’esclavage se réuniront à Yaoundé. Les objectifs de ces assises scientifiques organisées par le ministère des Arts et de la Culture (MINAC) ont été clairement définis. Il faut rétablir le contexte historique et patrimonial des ruines de Bimbia, comprendre sa disparition des cartes et de l’histoire et le désintérêt affiché par les chercheurs pour ce lieu et les décombres retrouvés sur place.

Des chaînes accrochées sur des murs affaissés au niveau de la mangeoire des esclaves, des graffitis, des morceaux de métal et surtout, cette porte sur l’océan Atlantique, point de départ des bateaux négriers. Près de 200 navires seraient partis de là. 

Classé au patrimoine national du Cameroun, ce site de «déportation» des esclaves revient progressivement au-devant de la scène. Ce, depuis 2010, à la faveur du Programme de retour aux origines pour la reconnexion avec l’Afrique. Une initiative fortement soutenue par l’association américaine Act of Random Kindness (Ark) Jammers, présidée par la chanteuse camerounaise Avline Ava.

Elle conduit régulièrement sur le site de Bimbia, des noirs américains en quête de leurs origines. Une première vague de 87 personnes est arrivée en 2011. A Bimbia, des comédiens leur ont présenté des scènes douloureuses, retraçant le départ forcé de leurs aïeux. D’autres vagues de retour aux sources ont suivi. Car à la suite de test d’ADN, près de 8.000 Afro-Américains ont découvert leurs origines camerounaises. Dont une quinzaine d’artistes à l’instar de Quincy Jones, Spike Lee et India Arie.

Le symposium que le Cameroun organise vise à jouer sa part dans la reconstitution de l’histoire de l’humanité, celle de la traite négrière en particulier. La rencontre du 20 juin 2017 sera d’ailleurs un prétexte pour la constitution du dossier de proposition du site de Bimbia sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. En prélude à cet événement, une exposition sur cette autre porte du non-retour s’est déroulée du 7 au 13 juin dernier à l’ambassade du Cameroun à Paris en France.

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 19/06/2017 à 13h30