Tous les voyageurs vous le diront, l'Ethiopie recèle l'une des meilleures cuisines du monde et tous les livres vous certifieront qu'elle possède un cheptel à faire pâlir de jalousie les Texans. Tout le monde l'aura compris, sauf les responsables de l'Union africaine.
Alors que le continent entier réclame la mise en place d’une zone de libre-échange intra-africain pour favoriser le commerce inter-Etat et la consommation des produits locaux afin d’en accélérer son développement, voilà que les chefs d’Etat donnent un exemple fort critiquable à travers leur déjeuner du mardi 31 janvier. Au menu, brocoli et terrine de chou-fleur sur son lit d’herbes épicées, en guise d'entrée, là où un excellent Ye Mesir Azifa aurait bien fait l’affaire du cultivateur local.
Mais c’est surtout le plat de résistance qui vous fera douter de la valeur du discours du "consommer africain" que les dirigeants répètent à longueur d’année. En effet, c’est du filet de bœuf brésilien qui a été servi hier aux honorables hôtes du Hilton d’Addis-Abeba. Ce, alors que l’Ethiopie est le premier pays africain et le dixième dans le monde en matière de l’élevage. Le pays ne compte pas moins de 35 millions de têtes de bétail dont 12 millions d’ovins et 10 millions de caprins. Pourquoi diantre aller chercher quelque kilos de bœuf brésilien à quelque 9575 kilomètres à vol d’oiseau ou encore 23h de vol d'ici Rio?
Et ceux qui voudraient bien aider à développer l’économie locale n’ont malheureusement d’autre choix que consommer du saumon tout droit venu de Norvège avec son coulis de légumes méditerranéens. Maigre lots de consolation pour l’Egypte, la Tunisie ou le Maroc les trois pays qui produisent des légumes et qui sont sur la rive sud de la marea nostrum. Mais quand même pour le saumon norvégien, pourquoi ne pas juste commander un peu de truite de l’Atlas marocain ?
Au moins il y a comme lot de consolation un dessert dont les ingrédients peuvent être trouvés localement, puisqu’il s’agit d’une tarte aux fraises. Bien sûr, on aurait préféré une tarte dont la pâte est à base de teff (céréale locale) avec sa belle couronne de mangue, de papaye ou d’un tout autre fruit bien éthiopien.
En réalité, les restaurateurs diront qu'il s'agit d'un choix de menu qu'imposent les circuits d'approvisionnement. Car, pour offrir à tout ce monde à déjeuner, ils ne sont pas sûrs de trouver des fournisseurs locaux capables de garantir à la fois qualité, fraîcheur et quantité suffisante.
Mais quoi qu'il en soit, ceux qui rêvaient de déguster un savoureux zighini éthiopien devront repasser ou se contenter de cette vidéo.