Omar El Bechir, Uhuru Kenyatta, Laurent Gbagbo, sont autant de chef d'Etat africains qui ont eu maille à partir avec Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI).Omar El Bechir, le président soudanais est poursuivi pour les crimes de guerre commis au Darfour. Un mandat d'arrêt international a été émis à son encontre ce qui l'oblige à surveiller ses déplacements, même sur le continent. Évidemment, l'idée ne lui vient même pas de se rendre dans les pays occidentaux. Cette situation exaspère ses pairs africains qui estiment que ce n'est ni plus ni moins qu'un manque de respect.Uhuru Kenyatta, pour sa part, a été poursuivi pour des atrocités commises au moment des joutes électorales dans son pays. Des organisations de défense des droits de l'homme ont porté l'affaire devant la CPI. Avec preuves, on ne peut plus légères, lui, son vice-Premier ministre et d'autres accusés ont été convoqués devant la cour. Il ne s'y rendra pas, et devra, par visioconférence, se soumettre à une humiliante séance de questions-réponses.Là également, aucun africain n'a apprécié. Fatou Bensouda finira par abandonner les poursuites, parce qu'il n'y a jamais eu de preuves convaincantes.Pour Laurent Gbagbo, beaucoup reconnaissent que des crimes beaucoup plus graves sont commis ailleurs dans le monde et ne font l'objet d'aucune poursuite de la part de la CPI. Certains sont convaincus que les accusations relevaient davantage d'une propagande de guerre que de réelles atrocités commises. Sur le continent, beaucoup ont la conviction que cette justice internationale est celle des faibles et des vaincus.La question se pose de savoir pourquoi des personnalités occidentales déjà convaincues de crime de guerre par des rapports récents ne sont pas poursuivies.Appel contre Bush et BlairDe plus en plus d'intellectuels évoquent l'éventuel traduction des principaux responsables de la guerre du Golfe devant la justice internationale. Les derniers en date sont deux professeurs de droits qui viennent de publier une tribune dans le quotidien français Le Monde. Serge Sur, professeur émérite en droit public à l’université Paris-II Panthéon-Assas, et Julian Fernandez, Professeur en droit à l'Universite Panthé-Centre, appelant la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) à poursuivre Tony Blair et Georges W. Bush.
Selon eux, rien ne s'oppose à d'éventuelles poursuites.Les preuvesMême si la charge de la preuve incombe à la partie civile, Fatou Bensouda peut facilement s'appuyer sur deux rapports, l'un, le rapport Feinstein, réalisé aux Etats-Unis, il y a un peu plus d'une année, et l'autre, le rapport Chilcot, publié il y a moins de deux semaines. Les deux ont établi clairement que la guerre en Irak a été déclenchée sur la base de mensonges des deux gouvernements britannique et américain, à la tête desquels se trouvaient Georges Bush et Tony Blair.Pour ce qui est du rapport américain, dont la version purgée fait 500 pages, Diane Feinstein établit des faits avérés de tortures après les attentats du 11 septembre 2011 et pendant la guerre en Irak. Simulacre de noyade, détention en cage, privations de sommeil, tels sont quelques exemples de pratiques de la CIA américaine, bien documentés, par ailleurs. Car d'anciens agents les avaient déjà dénoncées avant ledit rapport.Tony Blair: "Je referais la même chose"En Angleterre, on a pu lire dans le Guardian par exemple, après la sortie du rapport Chilcot: " Tony Blair n'a pas obéi au peuple britannique, mais à Georges Bush". Et Blair, qui a reconnu avoir menti, a ajouté: "Je ne peux pas dire désolé pour l'Irak, je l'aurais refait".C'est sans doute cette défiance de Tony Blair qui exaspère beaucoup d'intellectuels. Comment ne peut-il pas avoir de remords pour les 150.000 à 300.000 civils irakiens morts depuis cette intervention hasardeuse? Comment l'ancien Premier ministre britannique ne peut-il pas regretter d'avoir mis en ruines un État qui avait éradiqué l'analphabétisme, qui accordait des crédits gratuits pour les mariages et l'équipement des ménager des jeunes couples, et doté d'un système de santé éprouvé. Les Irakiens, notamment ceux qui appelaient à renverser Saddam, se lèvent aujourd'hui pour dénoncer l'état ignoble dans lequel l'intervention américaine et britannique a plongé le pays.Compétence de la CPIVu l'atrocité constatée dans cette guerre injustement déclenchée, Fatou Bensouda peut s'auto-saisir. Car, rappellent les deux professeurs de droit, "elle peut enquêter et poursuivre les responsables de crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre dès lors qu’ils sont commis sur le territoire d’Etats parties du statut de Rome ou lorsque les personnes accusées sont des ressortissants d’Etats parties à son statut". Ils ajoutent que "dans les deux cas, le temps ne fait rien à l’affaire, puisque les crimes en cause sont imprescriptibles".Il est vrai que l'Irak n'est pas partie au statut de Rome et que les États-Unis ne l'ont pas ratifié. Donc, seules les justices américaine ou irakienne peuvent poursuivre Georges Bush. Ce n'est pas le cas de Tony Blair, puisque la Grande-Bretagne a bel et bien ratifié le statut de Rome.