Une seule petite phrase introduite dans une résolution de l’Union africaine (UA) aurait sauvé la peau du guide libyen Mouammar El Kadhafi et lui aurait assuré un départ en exil pour un pays africain.
Invité vendredi soir de l’émission «Opinion» sur Walf TV, une chaîne privée, relayée par le forum «seneweb», Cheikh Gadio, ministre des Affaires étrangères sous le magistère du président Abdoulaye Wade du Sénégal pendant une dizaine d’années, a jeté un énorme pavé dans ce qui apparaît comme un océan de lâcheté imputable à certains dirigeants africains.
Armé d’une certitude inébranlable pour avoir été au cœur de négociations souterraines avec des Américains, qui soit dit en passant, apprécient au plus haut point son expérience, l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise affirme sans détour: «une phrase, une seule et Mouammar Kadhafi serait encore en vie. Et il aurait peut-être fêté ses 65 ans le 19 juin. Il ne serait certainement pas à la tête de la Libye, mais quelque part dans un pays africain, pour profiter de ses vieux jours sous son turban d’exilé».
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En effet, enchaîne l’expert en communication, qui a réussi une carrière de diplomate chevronné, «il était d’accord pour quitter la Libye avec des conditions. Il fallait d’abord convaincre les Américains, qui à leur tour, pouvaient freiner le président français, Nicolas Sarkozy et l’OTAN, engagés à fond dans la bataille».
Gadio décide alors de relever le défi. Il saute dans le premier avion et traverse l’Atlantique «je suis allé aux Etats-Unis et j’ai négocié difficilement. Les Américains donnent leur accord à condition d’envoyer Kadhafi au Venezuela. Je réponds qu’il n’ira nulle part, il va rester en Afrique et mourir sur le continent. Au même moment, les chefs d’Etat de l’Union africaine (UA) tiennent une réunion cruciale sur la crise libyenne à Addis-Abeba (Ethiopie)».
Les Etats-Unis saisissent l’opportunité et font savoir au négociateur Gadio que si les leaders de l’UA soutiennent sa démarche et acceptent d’inscrire dans une résolution la phrase suivante «nous exigeons l’arrêt de la guerre et l’ouverture de négociations, ils valideront la solution de sortie de crise et Kadhafi sera épargné».
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Mais cette phrase ne figurera jamais dans la résolution de l’organisation panafricaine à cause de certains dirigeants africains.
Que dire alors de l’attitude du président Abdoulaye Wade, enrôlé par le chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, qui se rendit à Benghazi, fief de l'insurrection libyenne, en compagnie de son fils Karim Wade, alors tout puissant ministre du "Ciel et de la terre", comme le surnommaient les Sénégalais du fait du nombre de portefeuilles ministériels qu'il cumulait, pour demander le départ de Kadhafi.
Non seulement il sonne le glas à l'unité africaine sur la question libyenne, mais il enfonce le clou en qualifiant le guide libyen de dictateur alors que lui-même tentait de s'accrocher au pouvoir pour le transmettre à son fils.
Ainsi, en refusant la proposition américaine à laquelle Kadhafi avait donné son aval, certains dirigeants africains, dont des alliés au leader libyen, ont préféré suivre le président français qui avait visiblement d'autres raisons inavouées pour agir comme il l'a fait
Pour Kadhafi, la suite du récit est celle d’une impitoyable chasse à l’homme et une fin à Syrte dans des conditions atroces.
Après avoir mis à mort Kadhafi, dans l’indifférence générale des chefs d’Etat africains, et même avec la complicité au moins morale de certains, les Occidentaux refusent «d’assurer le service après-vente» laissant le chaos en Libye. Des groupuscules terroristes lourdement armés sont lâchés dans la nature, et déferlent sur le Mali et le Sahel.