Tractations diplomatiques et missions d'experts s'enchaînent au Togo depuis que l'ancienne colonie française a entamé les démarches pour rejoindre l'espace anglophone du Commonwealth, sur les pas du Rwanda.
Kigali avait adhéré à l'organisation de 52 pays en 2009, 14 ans après le Mozambique lusophone, première nation à devenir membre du Commonwealth sans avoir jamais été un protectorat ni une colonie britannique.
Le petit pays de l’Afrique de l’ouest, qui compte environ 7 millions d'habitants, s’est lancé depuis 2014 dans le processus d'adhésion.
En février et en juin, deux missions d'experts ont rencontré à Lomé les représentants d'institutions comme la Cour constitutionnelle, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) pour étudier la candidature togolaise.
Ils ont également discuté avec des responsables de partis politiques et de la société civile, ainsi que des organisations de femmes et de la jeunesse.
"Le dossier du Togo est en bonne voie et nous sommes optimistes pour la suite du processus", a déclaré à l’AFP Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères.
"Le Togo est un pays politiquement stable où il y a la paix et la démocratie". "Géographiquement, notre pays a une position stratégique avec d’énormes atouts dont un port en eau profonde (...) qui désenclave les pays de l’hinterland" - Burkina Faso, Niger, Mali, a-t-il ajouté.
Le pays est déjà membre de la Communauté économique des pays d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et de l'Organisation internationale de la francophonie qui rassemble les pays de langue française.
Selon le ministre, l’adhésion du Togo au Commonwealth lui permettra "d’élargir le champ de ses rapports étatiques et de diversifier ses relations d’amitié et de coopération, en se faisant de nouveaux amis et en se rapprochant un peu plus de ses vieux amis tels que la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle Zélande".
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L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair s'est également rendu au Togo à deux reprises, en mars puis mi-juillet, où il a longuement abordé le sujet de l'adhésion au Commonwealth avec le président Faure Gnassingbé, selon des sources proches de la présidence.
"La présence de Blair au Togo devrait contribuer à faire avancer ce processus", avait alors affirmé un communiqué gouvernemental.
Démarche inopportune
L'opposition a pour sa part fermement condamné une "démarche inopportune".
"C’est simplement du cinéma vis-à-vis de la communauté internationale", a déclaré à l'AFP Eric Dupuy, porte-parole de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC, principal parti d'opposition).
"Nous avons d'autres priorités, notamment les réformes constitutionnelles et institutionnelles prévus par l’accord politique global signé devant la communauté internationale en 2006 et que le régime en place refuse d’opérer", a-t-il assuré.
L'opposition togolaise réclame depuis dix ans la révision de la Constitution - modifiée en 2002 -, pour y réintroduire une limitation à deux mandats présidentiels de cinq ans.
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Elle exige également un mode de scrutin à deux tours, une recomposition de la Cour constitutionnelle et de la Céni.
Le président Faure Gnassingbé a succédé à son père - qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant 38 ans - à la présidentielle de 2005 avec l'appui de l'armée, avant d'être réélu en 2010 et en 2015 lors de scrutins très contestés par l'opposition.
Le Commonwealth a confirmé en mars la demande initiale du Togo, précisant qu'il s'agissait de "la première étape de ce processus, qui pourrait amener le gouvernement à demander officiellement l'adhésion".
"Les décisions relatives à l'adhésion sont prises par les 52 chefs de gouvernement, qui ont établi des critères clairs pour tout pays" candidat, comme "l'engagement en faveur de la démocratie, la primauté du droit et l'indépendance de la justice, la protection des droits de l'homme".
Le cas du Togo devrait être examiné lors de la prochaine réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth en Grande-Bretagne en avril 2018.
Les groupes de défense des droits de l'homme dénoncent régulièrement les arrestations et les détentions arbitraires, la torture et autres mauvais traitements au Togo, ainsi que les restrictions à la liberté d'expression.
Le directeur d'Amnesty International au Togo, Aime Adi, estime que la situation des droits de l'Homme "reste fragile".
"On assiste encore à l'utilisation de l'armée pour l'encadrement des manifestations pacifiques avec la mort de manifestants (...) l'intimidation de partisans de l'opposition, l'interdiction des activites des partis de l'opposition", a-t-il expliqué à l'AFP.