Kenya: au moins 9 personnes tuées suite aux violences post-électorales

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Le 12/08/2017 à 12h58, mis à jour le 12/08/2017 à 13h04

Selon les autorités kenyanes, au moins 9 personnes ont été tuées dans les violences post-électorales. Elles seraient probablement décédées suite aux affrontements avec la police anti-émeutes de Nairobi. Hier, la commission électorale a officiellement déclarée Kenyatta élu avec 54,27% des voix.

Faisant état de trois morts seulement en début de matinée, le bilan des personnes tuées ne cesse de s'alourdir. A la morgue de Nairobi, les autorités hospitalières parlent de 9 morts. la même source affirme que les victimes portent toutent des traces d'armes à feu, ajoutant qu'elles auraient été tuées par la police anti-émeutes de la capitale. 

Elles ont été tuées après l'annonce vendredi soir de la réélection du président Uhuru Kenyatta, le gouvernement assurant que les violences restaient localisées et que l'essentiel du pays était calme.

Sitôt la proclamation par la Commission électorale (IEBC) de la réélection de M. Kenyatta, 55 ans, pour un second mandat de cinq ans, des violences ont éclaté dans les bastions de l'opposition, qui a dénoncé "une mascarade" électorale.

Persuadés que la victoire leur a une nouvelle fois été volée, ses supporteurs ont laissé éclater leur colère dans l'ouest du pays et dans plusieurs bidonvilles de Nairobi, tels Kibera, Mathare ou Kawangware.

Depuis vendredi soir, au moins trois personnes, dont un enfant de neuf ans, ont été tuées. Deux décès ont été rapportés près de Kisumu (ouest) et dans le comté voisin de Siaya, de sources hospitalières et policières.

L'enfant a été tué par balle samedi matin à Mathare, alors qu'il se trouvait sur un balcon au quatrième étage d'un immeuble, selon un journaliste de l'AFP.

Selon un décompte de l'AFP, les violences liées à l'élection ont fait au moins 9 morts depuis mercredi dans ce pays de quelque 48 millions d'habitants.

La nuit a été agitée, marquée par des émeutes à Kisumu et des scènes de pillage à Kibera de commerces supposés appartenir à des sympathisants du pouvoir.

Les troubles ont continué dans la matinée à Kisumu et ses environs, où les manifestants ont bloqué des axes routiers. A Kibera, des jeunes munis de pierres ont allumé des feux et bloqué des rues, avant d'être pourchassés par la police. La même scène a été observée à Mathare par un journaliste de l'AFP.

Mettant ces incidents sur le dos "d'éléments criminels qui ont tenté de prendre avantage de la situation, en pillant et détruisant des propriétés", le ministre de l'Intérieur, Fred Matiangi, a assuré que "la sécurité prévaut complètement dans le reste du pays".

La réponse de la police a été implacable, même si le ministre a certifié que "la police n'a pas fait d'usage disproportionné de la force contre un quelconque manifestant où que ce soit dans le pays".

Un photographe de l'AFP a toutefois vu la police tirer des coups de feu en direction d'émeutiers dans la nuit à Kibera. A Kisumu, un témoin interrogé par l'AFP, Truphena Achieng, dont le frère a été blessé, a accusé la police d'avoir fait feu sur des personnes qui manifestaient "pacifiquement".

Crédité de 54,27% des voix, M. Kenyatta, au pouvoir depuis 2013, avait tendu vendredi soir la main à son principal rival Raila Odinga (44,74%), dans une adresse à la Nation.

"Nous devons travailler ensemble (...) nous devons ensemble faire grandir ce pays", avait-il lancé, appelant l'opposition à ne pas "recourir à la violence".

Il y a dix ans, plus de 1.100 personnes avaient été tuées et 600.000 déplacées en deux mois de violences post-électorales, les pires depuis l'indépendance en 1963, après la réélection fin décembre 2007 de Mwai Kibaki, déjà contestée par M. Odinga.

Ce souvenir ne signifie cependant pas forcément que le pays se dirige dans la même direction. Même si elles remettent en lumière de vieilles divisions tribales, les violences sont pour l'instant circonscrites aux bastions de l'opposition.

Le calme régnait dans une bonne partie de Nairobi, dans le centre du pays, ainsi qu'à Mombasa, sur la côte. Et seule l'ethnie Luo, celle de M. Odinga, semblait se mobiliser, les autres composantes de la coalition d'opposition (Nasa), les Luhya et Kamba, restant pour l'heure à l'écart des violences.

Le contexte politique est également différent. En 2008, l'essentiel des violences avaient alors opposé les Kikuyu de M. Kenyatta aux Kalenjin. Or ces deux ethnies sont désormais alliées, le vice-président William Ruto étant un Kalenjin.

Reste que l'opposition dénonce des élections entachées de fraudes massives. "Je pense que tout ça relève d'une mascarade totale, c'est un désastre", avait déclaré vendredi James Orengo, l'un de ses principaux leaders.

L'opposition a écarté l'éventualité d'un recours en justice alors qu'en 2013, M. Odinga avait saisi la Cour suprême, en vain, pour contester la victoire de M. Kenyatta.

La Nasa a préféré s'en remettre au "peuple" sans explicitement lui demander de descendre dans la rue. M. Odinga est resté silencieux depuis vendredi et ses premières déclarations pourraient décider de l'avenir de la contestation.

Jeudi soir, M. Odinga, 72 ans, qui jouit d'une influence énorme sur sa communauté Luo, avait appelé au calme, non sans prévenir: "Je ne contrôle personne. Les gens veulent la justice".

Les pressions internationales seront certainement intenses dans les jours à venir sur celui qui vient d'essuyer une nouvelle défaite dans la lutte dynastique qui oppose sa famille à celle de M. Kenyatta.

Human Rights Watch a par ailleurs appelé les forces de sécurité "à faire baisser et non augmenter la violence".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 12/08/2017 à 12h58, mis à jour le 12/08/2017 à 13h04