Zimbabwe. Tensions: les menaces de l'armée prises très au sérieux

Robert Mugabe et son épouse Grace.

Robert Mugabe et son épouse Grace.. DR

Le 14/11/2017 à 15h37, mis à jour le 14/11/2017 à 16h15

Le principal parti d'opposition au Zimbabwe et la branche jeunesse du parti présidentiel ont tout deux exhorté au maintien du régime civil après que l'armée eut menacé lundi d'intervenir si le président Mugabe poursuivait la purge au sein de son parti.

Réagissant à cette menace, le principal parti d'opposition zimbabwéen, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), s'est clairement positionné contre une prise du pouvoir des militaires.

"Personne ne veut voir de coup d'État - et je ne dis pas qu'il va y en avoir un. Il n'est pas souhaitable que l'armée prenne le pouvoir. Cela donnera un coup d'arrêt à la démocratie, et ce n'est pas sain pour le pays", a déclaré à l'AFP un haut responsable du parti, Gift Chimanikire.

Dans une mise en garde sans précédent, le chef de l'armée, le général Constantino Chiwenga, a dénoncé lundi l'éviction la semaine dernière du vice-président du pays et prévenu que l'armée pourrait "intervenir" si cette "purge" ne cessait pas au sein du parti présidentiel, la Zanu-PF, au pouvoir depuis l'indépendance en 1980.

Le vice-président Emmerson Mnangagwa, 75 ans, longtemps pressenti comme dauphin du président Mugabe, a été démis de ses fonctions la semaine dernière et a fui le pays, après un bras de fer avec la première dame, Grace Mugabe.

"La purge actuelle qui vise clairement les membres du parti qui ont été engagés dans la guerre d'indépendance doit cesser (...) Nous devons rappeler à ceux qui sont derrière ces dangereuses manigances que lorsqu'il s'agit de protéger notre révolution, l'armée n'hésitera pas à intervenir", a martelé lundi le général Chiwenga.

Ses déclarations semblent viser les efforts de plus en plus offensifs de Grace Mugabe, 52 ans, pour se rapprocher du pouvoir et critiquer publiquement ses opposants, dont M. Mnangagwa. Avec l'éviction de ce dernier, elle se retrouve en position idéale pour succéder à son époux âgé de 93 ans.

Malgré son grand âge et sa santé fragile, Mugabe a été investi par la Zanu-PF pour la présidentielle de 2018.

La branche jeunesse de la Zanu-PF a fait savoir dans un communiqué qu'elle s'opposait à une prise de pouvoir de l'armée. "Nous protégerons notre révolution, comme la population en Turquie l'année dernière qui a empêché des forces de sécurité voyoues à interférer avec le gouvernement élu", poursuit le communiqué.

Tournant majeur

Mardi à Harare, les rumeurs allaient bon train sur une possible révocation par Mugabe du chef de l'armée, qui est considéré comme un allié de M. Mnangagwa. Le général Chiwenga, 61 ans, et M. Mnangagwa ont tous deux été des figures majeures - tout comme Mugabe - de la lutte pour l'indépendance du Zimbabwe face à la Grande-Bretagne.

M. Mnangagwa était vu comme l'un des lieutenants les plus fidèles de Mugabe, ayant travaillé à ses côtés depuis plus de 40 ans. L'ex vice-président entretient des liens étroits avec les militaires, étant à la fois un ancien ministre de la Défense et un ex-patron des services secrets.

Selon des proches, il se trouverait actuellement en Afrique du Sud.

Cette crise "marque une nouvelle étape alarmante dans la course à la succession" de Mugabe, a relevé dans un article publié sur internet l'analyste politique Alex Magaisa.

"(Mugabe) a déjà dans le passé demandé à l'armée de rester à l'écart de la course pour prendre la tête de la Zanu-PF. Son autorité sur l'armée n'a jamais été testée à ce point. S'il ne fait rien, cela pourra être interprété comme un signe de faiblesse. S'il intervient, cela pourrait déclencher une confrontation ouverte", souligne l'expert.

Pour Shadrack Gutto, directeur du Centre African Renaissance Studies à l'Université d'Afrique du Sud, l'armée "n'acceptera pas Grace Mugabe comme présidente du Zimbabwe (...) Nous sommes à un tournant majeur du Zimbabwe parce que Robert Mugabe est à moitié sénile", a jugé l'expert.

Le milieu des affaires du Zimbabwe, miné par la grave crise économique et financière, accueillait mardi avec prudence les déclarations du chef de l'armée. "Le général peut parler du combat pour l'indépendance, mais cela n'aide pas les gens ordinaires. Les gens veulent juste du pain et du beurre", confie ainsi à l'AFP Oscar Muponda, commerçant de 37 ans.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 14/11/2017 à 15h37, mis à jour le 14/11/2017 à 16h15