Zimbabwe. les promesses du lugubre Mnangagwa

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Le 23/11/2017 à 10h06, mis à jour le 23/11/2017 à 11h05

Le nouvel homme fort du Zimbabwe, Emmerson Mnangagwa, s'apprête à assurer la délicate succession du président Robert Mugabe qui laisse, après 37 ans de règne sans partage, un pays exsangue auquel l'ex-vice-président a promis des emplois.

C'est parti pour les promesses en ces temps de changement au sommet de l'Etat zimbabwéen. Emmerson Mnangagwa, qui doit prendre officiellement les rênes du pays vendredi, promet des emplois et plus de démocratie. Agé de 75 ans, le "crocodile", ainsi qu'il est surnommé pour son caractère inflexible, tient sa revanche, après sa tentative d'éviction par l'ex-Première dame Grace Mugabe. L'un des artisans d'une répression ayant tué 20.000 Zimbabwéens pourra-t-il contribuer à leur bonheur 35 ans plus tard? Rien n'est moins sûr. Pour l'heure, il fait fi de ce sombre passé et se lance dans de lugubres promesses. 

Mercredi, quelques heures après son retour d'un bref exil sud-africain, Mnangagwa a réservé son premier discours public de futur président à quelques centaines de partisans enthousiastes, réunis devant le siège du parti au pouvoir, la Zanu-PF. "Aujourd'hui, nous sommes les témoins du début d'une nouvelle démocratie", a-t-il lancé, avant d'appeler "tous les patriotes du Zimbabwe (...) à travailler ensemble".

"Nous voulons relancer notre économie, nous voulons des emplois", a promis M. Mnangagwa. "Je me fais le serment d'être votre serviteur", a-t-il assuré.

Robert Mugabe a laissé derrière lui une économie en piteux état, détruite par ses réformes dévastatrices. L'activité y tourne au ralenti, l'argent manque, le chômage frappe 90% de la population et le spectre de l'hyperinflation rode. "J'étais presque en pleurs en écoutant notre nouveau président. Il m'a redonné l'espoir", dit McDonald Mararamire, un chômeur de 24 ans, "espérons que ses promesses se concrétisent". "Les dollars américains doivent revenir", affirme Talent Chamunorwa, qui travaille dans le bâtiment, en référence au manque chronique d'argent liquide qui étreint le pays.

Pessimisme

"Ce que je désire ardemment, c'est que le camarade Mnangagwa, notre père, crée des emplois", a souhaité Munyaradzi Zovemhunu, 34 ans, contraint de vendre des fleurs pour vivre. Dans le pays, tous ne partagent pas son optimisme et certains redoutent même que l'euphorie ne tourne à la gueule de bois.

Le départ de Robert Mugabe "est un soulagement mais il ne faut pas trop s'emballer pour le nouveau", a averti Patrick Moyo, un banquier de 38 ans, "n'oublions pas qu'il n'est pas très propre".

Pilier de l'appareil sécuritaire zimbabwéen depuis quatre décennies, M. Mnangagwa s'est signalé comme le fidèle exécuteur des basses besognes de Robert Mugabe.

"Des dizaines de milliers de personnes ont été torturées, ont disparu ou ont été tuées" sous l'ère Mugabe, a insisté Amnesty International, appelant le pays à "renoncer aux abus du passé".

Fidèle de l'ancien président et de son régime, ce héros de la guerre d'indépendance, plusieurs fois ministre, avait été sèchement remercié le 6 novembre dernier, sur injonction de la Première dame Grace Mugabe à qui il barrait la route de la succession. Il avait alors quitté le pays pour des raisons de sécurité.

Son éviction a provoqué, dans la nuit du 14 au 15 novembre, un coup de force de l'armée, catégoriquement opposée à l'arrivée au pouvoir de l'incontrôlable Grace. Quelques heures après les manifestations euphoriques qui ont salué son départ, la population restait pleine d'espoir.

Départ négocié

Aucun détail des négociations qui ont abouti à la chute de Robert Mugabe n'a filtré dans la presse locale, qui s'est contentée de saluer son départ à grand coup de titres chocs tels que "Adios Bob" ou "Adieu camarade président". Exil dans un pays "ami" ou retraite dorée au Zimbabwe? Le sort de l'ex-couple présidentiel restait mercredi toujours mystérieux.

En lui retirant la présidence du parti dimanche, la Zanu-PF avait privilégié la première option. "Il mérite du repos", avait indiqué le porte-parole du mouvement, Simon Khaye Moyo, "mais je crois qu'il a dépassé les limites de l'hospitalité de la population". Le départ en douceur de Robert Mugabe, dernier dirigeant issu des guerres anticoloniales, a été salué dans les pays africains, où il disposait toujours de son aura de "libérateur".

Le président de la Guinée et président en exercice de l'Union afraicaine (UA), Alpha Condé, a apporté son soutien au futur président du Zimbabwe mais a souhaité que les prochaines élections, l'an prochain, y soient "démocratiques". "On doit respecter la démocratie, la démocratie c'est la volonté populaire", a déclaré M. Condé à Paris.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 23/11/2017 à 10h06, mis à jour le 23/11/2017 à 11h05