Ethiopie: le nouveau Premier ministre réclame la patience du peuple Oromo

Abiy Ahmed, Premier ministre d'Ethiopie.

Abiy Ahmed, Premier ministre d'Ethiopie.. DR

Le 11/04/2018 à 17h43

Tout un symbole. C'est depuis Ambo (ouest), un des foyers des manifestations anti-gouvernementales ayant mené à la chute de son prédécesseur, que le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a demandé mercredi au peuple de lui laisser le temps de mettre en place les réformes promises.

Investi le 2 avril, Abiy est le premier Premier ministre de l'Éthiopie contemporaine issu de l'ethnie oromo, la plus importante du pays. Or, c'est en région oromo (ouest et sud), dans laquelle est située la ville d'Ambo, que les manifestations anti-gouvernementales avaient débuté fin 2015, avant de s'étendre à d'autres zones, dont la région amhara (nord).

La répression de ces manifestations, les plus importantes depuis la prise de pouvoir du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF) en 1991, avaient fait au moins 940 morts et mené à des dizaines de milliers d'arrestations.

Comme il le fait depuis sa prise de fonctions, Abiy a joué l'apaisement mercredi devant des milliers de personnes réunies dans un stade de cette ville universitaire. Il a notamment salué les Qeerroo, terme utilisé pour désigner les jeunes Oromo qui ont mené des manifestations parfois violentes ainsi que des grèves, voyant en eux "le bouclier du peuple oromo".

"Nous sommes désormais sur la voie du changement et de l'amour", a déclaré le Premier ministre de 42 ans. "Nous avons besoin de votre contribution, nous voulons travailler avec vous, main dans la main (...), et nous voulons concrétiser nos promesses".

"Je vous demande de nous donner du temps pour nous préparer suffisamment, et j'ai confiance dans le fait que les Qeerroo vont nous donner assez de temps pour organiser notre action", a-t-il ajouté.

"Ils avaient peur"

C'est par des dizaines de cavaliers en habits traditionnels et une foule pleine d'espoirs que Abiy a été reçu mercredi à Ambo, où il y a un an à peine, les étudiants ne souhaitaient parler aux journalistes que plusieurs kilomètres à l'extérieur de la ville, de peur d'être repérés par les autorités.

"C'est la première fois que la personne la plus puissante d’Éthiopie visite Ambo", s'est réjoui Almaz Bulcha, un habitant de la ville, dont l'enthousiasme traduisait pleinement les espoirs placés en Abiy par la communauté oromo. "Les autres leaders n'aimaient pas venir parce qu'ils avaient peur".

Les manifestations débutées fin 2015 étaient l'expression d'une frustration des Oromo et des Amhara, qui représentent 60% de la population et s'estimaient marginalisés dans les instances de pouvoir, et également porteuses de revendications d'une jeunesse avide de libertés individuelles.

Un état d'urgence instauré entre octobre 2016 et août 2017 avait ramené, au prix de milliers d'arrestations, un calme relatif dans le pays, mais n'avait pas calmé l'ardeur des manifestants.

État d'urgence

Dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, beaucoup espèrent prudemment que Abiy sera le garant d'une plus grande ouverture, alors que l'EPRDF est accusé de dérives autoritaires par les organisations de défense des droits de l'Homme.

Depuis l'intronisation de Abiy, onze opposants et blogueurs ont été libérés, l'internet - coupé en dehors de la capitale pour entraver la communication entre manifestants - a été rétabli. La semaine dernière, il s'est rendu dans le sud du pays pour tenter de réconcilier les Somali et Oromo qui s'étaient affrontés l'année dernière, dans des violences ayant fait plusieurs centaines de morts.

Mais les observateurs soulignent aussi que l'état d'urgence, décrété après la démission surprise de son prédécesseur Hailemariam Desalegn le 15 février, est lui toujours en vigueur.

Et dans la foule, nombreux étaient ceux qui guettent les prochaines décisions du nouveau Premier ministre. "Cela ne suffit d'être dirigeant", avertit Dejenu Taye, un étudiant d'Ambo, "Maintenant, je me réjouis à l'idée qu'il tienne ses promesses".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 11/04/2018 à 17h43