Sahel: pourquoi la France a encore sauvé le président tchadien?

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Le 15/02/2019 à 07h16, mis à jour le 15/02/2019 à 08h36

Les frappes françaises début février dans le nord-est du Tchad ont visé des rebelles qui avaient l’intention de renverser le président tchadien Idriss Déby Itno. Cette intervention française est loin de faire l’unanimité.

Installé aux commandes par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à la fin de l’année 1990, au détriment du régime Habré, accusé de graves crimes contre ses opposants -selon une thèse défendue par de nombreux analyste- le pouvoir d’Idriss Déby a échappé, et parfois de justesse, à plusieurs tentatives de renversement, grâce au soutien indéfectible de Paris, sous différents régimes, depuis une trentaine d’années. Et cela dans le contexte politique et sécuritaire du Tchad dont l’unique mode de dévolution de la charge de chef de l’Etat a toujours été une action violente: coup d’Etat ou rébellion.

La dernière intervention de l’aviation française dans le cadre du dispositif «Barkhane» dédié à la lutte contre le terrorisme, détruisant une colonne d’une cinquantaine de Pick-up filant tout droit vers N’Djamena, suscite des interrogations au sein du cercle des élus, des diplomates à la retraite, de même que des torrents de commentaires dans les colonnes de la presse africaine et française.

Illustration avec un cette manchette du mythique quotidien satirique "Le Canard Enchaîné" qui se pose la question: «Pourquoi sauver encore le dictateur du Tchad?».

La réponse à cette interrogation découle d’une certitude géostratégique sans faille: «à l’Elysée, dans les états-majors, Idriss Déby est qualifié de fidèle allié, voire de moindre mal depuis vingt ans».

Plus loin, le journal lève un coin du voile sur l’ampleur de l’opération militaire de la semaine dernière: «l’intervention française contre la colonne de rebelles tchadiens qui fonçait sur N’Djamena, la capitale du pays, a été bien plus importante que ne l’ont admis l’état-major des armées et le Premier ministre, Edouard Philippe, toujours gêné aux entournures quand une opération militaire se révèle peu glorieuse. Pendant 5 jours, du 3 au 7 février, ces combattants de l’Union des forces de résistance (UFR) ont essuyé les raids de 7 Mirages 2000 (basés à N’Djamena et à Niamey au Niger), une vingtaine de frappe admet l’état-major avec une certaine modestie».

La France ne veut pas laisser le Tchad d’Idriss Déby, un allié, portant la casquette de champion de la lutte contre le terrorisme au Sahel, sombrer dans une espèce de chaos à la libyenne. Cela se comprend.

Cependant, les derniers événements survenus dans ce pays ressemblent fort à un dépassement de mission de la force «Barkhane» et la France est entraînée dans une guerre entre un dictateur et une rébellion, dans la pure tradition tchadienne, dont l’histoire est hantée par la violence politique.

L’armée française se retrouve finalement dans la posture de défense d’un régime «prédateur et corrompu, qui ne laisse aucune possibilité d’alternance démocratique» se désolent de nombreux analystes.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 15/02/2019 à 07h16, mis à jour le 15/02/2019 à 08h36