Ce vendredi à Kinshasa, en partie en son nom, des activistes doivent demander aux autorités de la RDC d'expulser le nouvel ambassadeur du Rwanda.
Ils accusent le diplomate Vincent Karega de "révisionnisme" en niant le rôle du Rwanda dans un des innombrables massacres qui ont marqué les deux guerres du Congo (1996-2003) dans l'est de la RDC, après le génocide des Tutsis et le massacre des Hutus modérés au Rwanda en 1994.
Les organisateurs du "sit-in" demandent également l'arrêt des menaces à l'encontre de Denis Mukwege.
Le prix Nobel 2018 s'estime menacé -sans dire par qui- depuis qu'il a dénoncé un nouveau massacre de civils mi-juillet dans sa province du Sud-Kivu, à la frontière du Rwanda.
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Ce massacre a été attribué à des Congolais tutsis rwandophones (les Banyamulenge), en conflit avec d'autres communautés congolaises.
De nombreux Congolais estiment que les milices Banyamulenge sont soutenues par le Rwanda pour contrôler l'est de la RDC et ses ressources foncières et minières, ce que récuse Kigali.
"Ce sont les mêmes qui continuent à tuer en RDC (...) dans la droite ligne des massacres qui frappent la RDC depuis 1996", a dénoncé fin juillet Mukwege, sans autre précision.
Outre sa défense des femmes violées, le célèbre gynécologue demande l'instauration d'une juridiction pour poursuivre les auteurs des massacres commis dans l'est de la RDC depuis cette époque.
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Comme il l'a encore fait cette semaine devant des députés européens, il cite un rapport oublié des Nations unies de 2010.
Cette enquête documente "617 incidents violents commis entre 1993 et 2003".
"Certains actes pourraient même être constitutifs de crimes de génocide, s'ils étaient portés à la connaissance d'un tribunal compétent", a-t-il ajouté devant les euro-députés.
Le rapport vise toutes les forces armées et leurs milices qui ont participé aux deux guerres du Congo, parfois qualifiées de "guerre mondiale africaine" ou de conflit le plus violent depuis 1945: RDC (ex-Zaïre), Ouganda, Burundi, Angola, et, bien sûr, l'armée rwandaise de Paul Kagame.
Justice contre "realpolitik"
En 1994, Paul Kagame et ses troupes avaient mis fin au génocide d'au moins 800.000 personnes appartenant essentiellement à la minorité tutsie, en chassant du pouvoir de Kigali le régime extrémiste hutu.
En 1996-98, l'armée rwandaise de Paul Kagame a traqué des centaines de milliers de Hutus réfugiés en RDC (ex-Zaïre), en soutenant la rébellion congolaise de Laurent-Désiré Kabila contre le vieux dictateur Mobutu.
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"Les attaques systématiques et généralisées" de l'armée rwandaise contre les Hutus en RDC "pourraient être qualifiées de crimes de génocide", lit-on dans ce rapport défendu par le docteur Mukwege devant toutes les instances internationales.
C'est évidemment inacceptable pour Paul Kagame, toujours au pouvoir au Rwanda.Le rapport a été qualifié mi-août "d'instrument de propagande" par son frère d'armes, l'ex-ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe.
A la tête des forces rwandaises en RDC entre 1996 et 1998, le général Kabarebe a qualifié le docteur Mukwege "d'instrument utilisé par les familles de ceux qui ont perdu la guerre".
Des propos qui ont été perçus en RDC comme des menaces à l'encontre du docteur Mukwege.
"Pour que justice soit rendue, il faudrait (...) une coopération judiciaire très efficace avec tous les pays impliqués, notamment l'Ouganda, le Burundi et le Rwanda, ce qui n'existe pas encore", a constaté avec amertume le docteur Mukwege devant les euro-députés.
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"Je pense que le Rwanda devrait aussi répondre de ses actes", a-t-il insisté, interrogé sur les affrontements que les armées régulières du Rwanda et l'Ouganda se sont livrés à Kisangani dans l'est de la RDC en juin 2000, autre épisode traumatisant des guerres du Congo.
Prenant à contre-pied une large partie de l'opinion congolaise, le président congolais Félix Tshisekedi s'est rapproché de Paul Kagame depuis son investiture en janvier 2019.
"Le manque de volonté politique et la +realpolitik+ ont trop longtemps primé sur le besoin et la soif de justice et de vérité. C'est dans ce contexte que les massacres se poursuivent en toute impunité", a glissé le prix Nobel de la paix devant les députés européens.