Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est dit jeudi "profondément alarmé par la situation" au Tigré, soulignant que "la stabilité de l'Ethiopie est importante pour l'ensemble de la Corne de l'Afrique".
Il a appelé à une "désescalade immédiate des tensions" et à une "résolution pacifique" des différends entre Addis Abeba et les autorités du Tigré.
Les dirigeants de la région, issus du Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), parti qui a, durant près de 30 ans et jusqu'à l'arrivée de M.Abiy en 2018, dominé les structures de pouvoir en Ethiopie, défient depuis plusieurs mois le gouvernement fédéral.
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Prix Nobel de la paix en 2019, M. Abiy a annoncé mercredi le lancement d'opérations militaires au Tigré, justifiées par des attaques de bases militaires sur place, que le TPLF accuse le gouvernement d'avoir inventées.
"Les opérations (...) en cours dans le Nord de l'Ethiopie ont des objectifs clairs, limités et réalisables: rétablir l'Etat de droit et l'ordre constitutionnel, et protéger les droits des Ethiopiens à vivre paisiblement où qu'ils soient dans le pays", écrit M. Abiy sur Twitter.
M. Abiy dénonce "l'orgueil démesuré et l’intransigeance criminels du TPLF" qui a entravé les efforts du gouvernement de "résoudre pacifiquement ses différends" avec les autorités de la région.
- guerre "longue et sanglante" -
Aucune information officielle n'est disponible sur les opérations en cours. La coupure des réseaux internet et téléphoniques au Tigré rendent extrêmement difficile de vérifier la situation sur place.
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Des sources diplomatiques ont fait état d'activités militaires sur les principaux axes reliant le Tigré à la région frontalière Amhara, signalant des combats intenses et des tirs d'artillerie sur la route menant à Humera, aux confins du Soudan et de l'Erythrée.
Des mouvements de troupes sont aussi signalés dans la région Afar, également voisine du Tigré.
Jeudi, le général Berhanu Jula, chef d'état-major adjoint de l'armée éthiopienne, avait affirmé que l'Ethiopie était désormais "entrée en guerre" contre les autorités du Tigré.
Le président de la région Debretsion Gebremichael avait parallèlement déclaré qu'Addis Abeba avait déclenché "une guerre, une invasion" contre le Tigré.
Les récentes escalades militaire et verbale font désormais craindre un long conflit dévastateur, susceptible de menacer la stabilité déjà fragile du deuxième pays le plus peuplé du continent avec plus de 100 millions d'habitants.
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L'International Crisis Group (ICG) a averti jeudi soir que si "elle n'est pas rapidement arrêtée, l'actuelle confrontation armée (...) sera dévastatrice, non seulement pour l'Ethiopie, mais pour la Corne de l'Afrique toute entière".
"Une guerre, que de nombreux Ethiopiens craignaient possible mais espéraient n'arriver jamais, semble se dessiner", potentiellement "longue et sanglante", écrit également le centre de réflexion.
ICG rappelle que les autorités du Tigré peuvent compter sur "une importante force paramilitaire et une milice bien entraînée, dont les effectifs combinés sont estimés à 250.000 hommes" et "semblent bénéficier d'un soutien significatif des six millions de Tigréens".
- pays mosaïque -
Le conflit pourrait également mettre à l'épreuve l'unité d'un pays mosaïque éthnique, secoué récemment par des épisodes de violences communautaires, mais aussi la cohésion de l'armée, qui compte de nombreux officiers tigréens.
ICG craint également que le conflit finisse par impliquer l'Erythrée, frontalière du Tigré. Le pouvoir d'Asmara, avec qui M. Abiy a conclu une paix historique, est l'ennemi juré du TPLF qui dominait le pouvoir éthiopien durant la guerre frontalière meurtrière entre les deux pays (1998-2000).
Voisins de l'Ethiopie, "Djibouti, le Soudan et le Soudan du Sud nous ont répété que la paix et la sécurité de l'Ethiopie est aussi la leur", a souligné jeudi lors d'une conférence de presse le ministre éthiopien des Affaires étrangères Dina Mufti.
Le gouvernement a "informé la communauté internationale (...) nous leur avons dit que (...) le gouvernement a été entraîné dans cette situation", a-t-il ajouté.
Le TPLF accuse M. Abiy - un oromo, ethnie la plus importante en Ethiopie - d'avoir progressivement marginalisé la minorité tigréenne (6% de la population) au sein de la coalition au pouvoir, que le parti a depuis quittée, se positionnant de facto dans l'opposition.
Les tensions n'ont cessé de croître depuis la convocation en août pour le mois suivant d'élections régionales par le TPLF - qui a raflé la quasi-totalité des sièges - enfreignant le report par Addis Abeba de tous les scrutins en Ethiopie en raison du coronavirus.