Libye: que reste-t-il du clan Kadhafi?

L'ancien guide libyen Kadhafi.

L'ancien guide libyen Kadhafi.. DR

Le 10/02/2021 à 08h36, mis à jour le 10/02/2021 à 11h17

Après quatre décennies d'un pouvoir sans partage sur la Libye, Mouammar Kadhafi et ses proches sont tombés sous le coup d'un soulèvement populaire, éliminés, emprisonnés ou forcés à l'exil. Dix ans après la révolution, que reste-t-il des Kadhafi?

Qui aurait pu imaginer un jour voir le mégalomaniaque dictateur malmené, molesté par des combattants révolutionnaires, le visage ensanglanté, l'air hagard dans un égout?

Après 42 ans de dictature, la révolution en Libye lancée le 17 février 2011 dans le contexte du Printemps arabe connaît son dénouement en octobre de la même année avec la mort du "guide", traqué jusque dans son fief de Syrte.

Sa chute entraîne celle de ses proches, acteurs clef de l'ancien régime. A commencer par trois de ses fils, Mouatassim, Seif al-Arab et Khamis, tués pendant la révolution. Khamis avait notamment joué un rôle important dans la répression de la révolte à Benghazi, berceau de la révolution dans l'est du pays.

Exil

Seul fils né du premier mariage du colonel et décrit comme influent et discret, l'aîné Mohamed (50 ans) s'est réfugié en 2011 en Algérie voisine. Il s'est ensuite vu accorder l'asile à Oman, tout comme sa soeur Aïcha (44 ans), l'avocate de la famille qui a notamment défendu l'ex-président irakien Saddam Hussein.

Hannibal (45 ans), un rebelle excentrique qui a eu des démêlés judiciaires en France et en Suisse dans les années 2000, s'est d'abord réfugié en Algérie avant d'aller au Liban pour rejoindre son épouse, une mannequin libanaise. Il a été arrêté en 2015 et y est emprisonné depuis.

Le sort de Seif al-Islam (48 ans), qui a longtemps fait figure de successeur à son père, reste un mystère.

Capturé en novembre 2011 par un groupe armé à Zenten, au sud-ouest de Tripoli, il a été condamné à mort en 2015 à l'issue d'un procès expéditif. Mais le groupe le détenant a refusé de le livrer aux autorités de Tripoli ou à la Cour pénale internationale (CPI), qui le recherche pour des accusations de crimes contre l'humanité.

La trace du fils le plus en vue de Kadhafi s'évapore après l'annonce en juin 2017 de sa libération - jamais confirmée - par le même groupe armé. La CPI a cependant déclaré l'avoir localisé à Zenten fin 2019.

Son frère Saadi (47 ans), un ex-footballeur à la réputation de playboy, a tenté sans succès une carrière professionnelle en Italie avant de diriger une unité d'élite de l'armée libyenne. Réfugié au Niger après la révolte, il a été extradé en 2014 vers Tripoli, où il est emprisonné.

Restée dans l'ombre de Mouammar Kadhafi, sa seconde épouse Safia s'est exilée à Oman où elle a régulièrement demandé à pouvoir regagner son pays. Des appels restés sans réponse, malgré l'influence de sa tribu en Cyrénaïque, la grande région de l'Est.

Tribu et clan

S'agissant de la tribu du dictateur, les Qadhadfa, répartie sur Syrte (nord-est) et un peu plus au sud, elle "a souffert du régime de Mouammar Kadhafi contrairement à ce que l'on pourrait penser. Plusieurs de ses membres qui lui avaient exprimé leur opposition ont fini en prison", explique le professeur de droit libyen Amani al-Hejrissi.

Le clan Kadhafi comprenait également ses fidèles, sans lien de sang, membres de l'ancienne garde révolutionnaire - force paramilitaire chargée de protéger le régime - qui ont bénéficié des largesses du système. Nombre d'entre eux se sont exilés en Tunisie ou en Egypte, par crainte de représailles. Certains n'ont pas caché leur espoir de rentrer au pays et renouer un jour avec le pouvoir.

D'autres caciques se sont établis au Caire, où ils ont ressuscité "Al-Jamahiriya", la principale chaîne de propagande de l'ancien régime.

D'anciens fonctionnaires, généralement des technocrates n'ayant pas été impliqués dans les exactions passées, se sont exilés puis ont pris le risque de regagner leur pays.

Le clan proche et élargi des Kadhafi peut-il être amené à jouer, un jour, un rôle politique dans le pays, aujourd'hui déchiré par des luttes de pouvoir? "Je ne crois pas", répond Amani al-Hejrissi, car "la plupart des Libyens sont convaincus que le régime déchu est à l'origine de la corruption et de l'anéantissement du système politique".

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 10/02/2021 à 08h36, mis à jour le 10/02/2021 à 11h17